Depuis bientôt une paire d'années, je vivais comme beaucoup d'autres avant moi, une retraite que je considérais somme toute bien méritée et j'avais bien l'intention d'en profiter au maximum. Mais il semblerait que, une fois de plus, le prix du pétrole avait augmenté, les affaires avaient un peu repris dans le monde de la sismique et la boite avait décrochée quelques gros contrats qui occupaient beaucoup de monde et elle manquait donc d'un peu de personnel. J'avais été contacté a deux ou trois reprises par les services du personnel qui m'avait demandé si je serais éventuellement intéresse a reprendre un peu le travail pour une période assez courte afin de remplacer l'un ou l'autre de mes anciens collègues durant ses vacances. J'avais systématiquement refusé, considérant que le temps était venu pour moi de me laisser aller. Jusqu'au jour où je reçus un Email d'un de mes anciens chefs de Mission qui allait démarrer une équipe a Cuba et cherchait un mécanicien vibrateurs. Et là, tout d'un coup, mon attitude changea, il est vrai que j'avais refusé sans même prendre le temps d'y penser une affectation en Italie, une autre en Égypte et même une au Mexique que pourtant je connaissais très bien, mais là, la situation était différente nous parlions de Cuba et Cuba était un des endroits du monde dont je rêvais depuis toujours.
C’était après tout une des premières îles découvertes par Christophe Colomb et peuplée par les Espagnols depuis près de 500 ans. La Havane était une des plus vieilles villes des Antilles et regorgeait de rues et de bâtiments historiques rappelant au monde l’architecture et la gloire passée de l’empire colonial. Le vieux port était une merveille a visiter et les musées et églises n’attendaient que ma venue pour me raconter la grande et les petites histoires.
La population de l’île était un mélange incroyable d’Espagnols, de Caraïbes, d’anciens esclaves africains et de tous autres aventuriers ayant touché l’île au court des siècles. Sans oublier bien sûr que si j’en croyais quelques camarades qui avaient déjà visité le pays, les Cubaines étaient les plus belles femmes du monde.
À cela bien sûr s’ajoutait la légende de Fidel Castro et de sa révolution, Cuba étant un des derniers pays encore foncièrement communiste. Bref un pays a voir, et donc sans même me préoccuper du salaire et des conditions de travail, j'avais immédiatement accepté, pour le plaisir de voir l'île sans me douter que j'y passerais finalement plusieurs séjours et plusieurs mois
Mes débuts a Cuba furent on ne peut plus intéressant, puisque je passais plus d’un mois a La Havane ou mon travail consistait a réceptionné du matériel venant d’un peu partout dans le monde. La compagnie m’avait fourni une voiture de location et un chauffeur et très vite j’appris à connaître les grandes et petites rues, presque chaque jour me voyait au port récupérant machines, voitures et camions et la multitude de caisses déchargées par les dockers sur les quais.
Tous les soirs le chauffeur me déposait à l’hôtel, il repartait par bus et me laissait la voiture et la nuit était à moi. Après une douche rapide, j’allais, s’il n’était pas trop tard faire un tour en ville et visiter un musée encore ouvert, ou un vieux bâtiment historique ou une fabrique de cigares ouverte aux touristes ou un marché ou quelques vieilles rues pleines de caractère ou je ne sais quoi. Puis a la tombée de la nuit je cherchais un petit restaurant ou je me régalais de poissons, généreusement arrosée de la bière locale avant de terminer par un ou plusieurs verres de rhum.
Très vite je me rendis compte que la restauration a Cuba était plutôt limitée, soit je m’installais dans un hôtel restaurant ou un bar a touristes, relativement cher et pas toujours très bons. Soit je me dirigeais vers un de ces petits restaurants familiaux beaucoup moins chers, toujours plus simphas et souvent bien meilleurs, puisque ces petits restaurants familiaux étaient la propriété d’une famille qui trouvait son profit par son travail et non pas un hôtel restaurant appartenant au gouvernement et ou tout le monde s’en fichait plus ou moins.
Une petite parenthèse ici pour parler de ces petits restaurants familiaux. Je n’ai bien sûr pas les détails de la loi qui gère ce genre d’établissements. Il semblerait qu’au fil des années le gouvernement de Fidel, s’étant rendu compte que bon nombre de Cubains en voyage avaient des problèmes pour se loger et se nourrir lors de voyages à travers le pays, autorisa la location de chambres particulières aux gens de passage et la création de minis restaurant a la maison (un peu comme les gîtes ruraux de France). Évidemment la loi n’autorisait qu’un nombre restreint de clients et imposait des règles très strictes pour la pratique de ces activités, mais au fil des années ces restrictions s’étaient relâchées et nombres de ces petits restaurants familiaux s’étaient taillés une excellente réputation et faisaient un business d’enfer.
Un peu par hasard, j’avais découvert un de ces restaurants, où la nourriture était excellente, le service fantastique et ou mes pourboires généreux m’assuraient qu’il y avait toujours une table pour moi. J’y prenais la majorité de mes repas, préférant aller là où je connaissais plutôt que de traîner à travers la ville à la recherche de restos à touristes souvent décevants
Le restaurant en question, qui bien sûr n’avait pas de nom, était géré par une maîtresse femme d’une soixantaine d’années, assistée par ses enfants, petits-enfants, cousins et autres membres de la famille. Officiellement elle n’avait le droit de ne servir que 12 repas par jour, mais la place était ouverte de 10 heures du matin a minuit et bien sûr servait beaucoup, beaucoup plus de 12 repas. Au fil des jours j’appris que le mari de la patronne, quelque 15 ans plus vieux qu’elle, était un ancien révolutionnaire qui avait combattu aux côtés de Fidel, le Ché et Cienfuegos, après la révolution il avait rejoint la police ou il avait gagné le grade de commandant, ce qui bien sûr offrait a son épouse toute la protection nécessaire a faire tourner un restaurant bien au-dessus des normes officielles sans jamais avoir de problème
Il avait maintenant pris sa retraite, mais avait gardé dans la police suffisamment d’amis pour être informé à l’ avance des jours d’inspection. Ces jours-là, la majorité des tables et chaises disparaissaient, on n’en montrait qu’une dizaine, tout le monde savait bien sûr qu’il y en avait beaucoup plus, mais depuis longtemps la police a appris a fermé les yeux a Cuba lorsque tout un chacun y trouve son profit.
Ce jour-là, un samedi, j’avais travaillé beaucoup plus tard que d’habitude, mais le lendemain promettait d’être un jour plus calme et je me rendis donc au restaurant sans nom vers dix heures du soir. Je n’étais pas particulièrement pressé sachant que le lendemain je pourrais me lever un peu plus tard, je fus bien sûr très bien accueilli, mais les deux salles étaient pleine a craqué et la patronne me demanda si j’étais d’accord pour partager une table avec son mari qui dînait sous une véranda minuscule dans le jardin. J'acceptai avec plaisir, heureux même de l’aubaine qui allait me permettre de rencontrer un ancien soldat de la Révolution, et c’est ainsi que je rencontrais le commandant José Luis Jimenez.
Lorsque j’arrivais à la table, il se leva, me tendit la main, se présenta et m’accueillit très poliment dans un style très militaire. Je commandais une bière, une salade de tomates et du poisson et je m’installais tranquillement. Il avait terminé son repas et partageait sa solitude avec une bouteille de rhum, très vite je me rendis compte qu’il était légèrement ivre, qu’il désirait parler et cherchait quelqu’un pour l’écouter, je n’avais absolument rien contre un peu de conversation et je l’encourageais.
Durant tout le temps que dura mon repas il parla de choses et d’autres sans grande importance, du gouvernement, du pays, du soleil et de la mer. Aussitôt que j’eus terminé mon repas et ma bière il fit apporter un second verre et me servit généreusement de son rhum me demandant avec insistance de le goûter, il était excellent.
Un peu plus tard il m’annonça que ce soir il avait l’intention de boire et même peut être de s‘enivrer, car ce soir était l’anniversaire de la victoire de San Jacintho, puis il me demanda si j’étais d’accord pour lui tenir compagnie. Le rhum était excellent, l’homme avait envie de parler et moi j’avais envie d’écouter, aucune raison de refuser, donc j’acceptais, nos verres se touchèrent une fois de plus. Je bus une autre gorgée et j’attendis son bon plaisir et c’est ainsi que j’entendis l’histoire d’une bataille de la révolution apparemment oubliée depuis longtemps. Il est évident que je ne souviens pas mot pour mot de tout ce que j’entendis ce soir-là, mais j’ai une excellente mémoire et je pense que tout était à peu près comme ce qui suit
“ Tu sais que la révolution commença vraiment en 1953, à l’époque, le pays était gouverné en dictateur total par Fulgencio Batista, qui avait pris le pouvoir par la force avec l’appui de l’armée l’année précédente. Vu de l’extérieur la situation a Cuba ne paraissait pas si mauvaise, La Havane était une ville libre, dynamique et florissante, la classe moyenne y vivait relativement confortablement, des milliers de touristes américains débarquaient chaque année afin de profiter des night-clubs, des casinos et des bordels. L’économie paraissait saine, le pays exportait des matières premières vers les États-Unis et réimporter des produits manufacturés, la balance commerciale était bonne. Mais derrière cette vitrine, la réalité était toute différente, Batista avait mis fin a la constitution et interdit tout parti politique, la répression des opposants, torture, pillage et corruption étaient partout. La plus grande partie du PIB était entre les mains d’une toute petite minorité ou bien quittait le pays immédiatement vers les Etats-Unis qui contrôlait 50 pour cent de nos plantations et plus de 50 pour cent des services publics.
Lorsque l’on quittait la capitale et les grandes villes et que l’on pénétrait dans les campagnes, la situation était dramatique. Des milliers de paysans n’avaient pas de terre, la culture principale et presque unique de la canne a sucre n’occupait les masses de travailleurs que quelque mois par an. La misère et la faim étaient partout, la plupart de la population dans les campagnes était analphabètes et bien sûr docteur et hôpitaux pratiquement inconnus.
Fidel venait d’une famille relativement aisée et n’était pas particulièrement attiré par le socialiste ou le communiste a l’époque, mais par la démocratie. Batista était un dictateur impitoyable, Fidel se lança dans la politique et fit même circuler une pétition pour destituer le gouvernement de Batista, sans succès bien sûr et donc très vite il décida de préparer un soulèvement armé et une attaque contre une caserne près de Santiago de Cuba, attaque qui elle aussi fut un échec et qui lui valut d’être arrêté et condamné a 15 ans de prison. Quelques 2 ans plus tard sous la pression d’un mouvement populaire Batista fut plus ou moins obliger de libérer de nombreux prisonniers politiques et c’est là que vraiment tout a commencé. À peine libérés, Fidel et son frère Raul s’exilèrent au Mexique ou ils commencèrent a organiser sérieusement leur prochaine attaque contre Batista .
La dessus, José Luis se resservit un verre de Rhum, il remplit aussi mon verre, je l’écoutais avec beaucoup d’attention, mais jusqu’à maintenant je n’avais rien appris de bien nouveau, tout cela était connu, mais je pense qu’il voulait savourer son histoire et qu’il prenait son temps. Après avoir avalé une bonne rasade de rhum, il continua.
J’étais à cette époque, sergent dans l’armée régulière de Cuba, pour ne pas dire l’armée de Batista, sous les ordres du lieutenant Vélasquez, un de mes anciens amis qui avait été promu plus rapidement que moi. Vélasquez était un ambitieux, près a tout pour monter rapidement les échelons de la hiérarchie et de plus semblait prendre un plaisir sadique à exécuter les ordres venus d’en haut concernant répression et torture de tout opposant au régime. Sous ses ordres j’avais a plusieurs reprises dut brutaliser hommes et femmes dont le seul crime était de vouloir être libre ou bien de manger a leur faim. J’étais un soldat et non un bourreau et le jour ou Vélasquez m’ordonna de frapper une femme pour lui faire dire ou se cacher son époux accusé de révolte contre Batista , je compris que je ne pouvais plus être un soldat dans cette armée, qui n’était plus une armée, mais une bande de crapules au service du dictateur.
Je laissais s’enfuir ma prisonnière, j’informais Vélasquez de ce que je pensais de lui et avant qu’il n’est vraiment compris ce qui se passait, j’avais quitté la caserne, j’avais déserté, j’étais parti jetant au loin mon uniforme, mais gardant mes armes.
Depuis mon plus jeune âge j’étais un soldat, je ne connaissais rien d’autre que le métier des armes et bien vite il m’apparut évident que si je ne servais pas l’armée régulière et Batista, et puisque j’avais déserté au nom de la liberté, il ne me restait qu’une autre option, c’était de rejoindre la révolution et Fidel Castro. Donc, comme quelques autres avant moi je m’embarquais pour le Mexique. Bien sûr je fus très bien accueilli par le mouvement révolutionnaire qui était très heureux d’avoir un vrai militaire connaissant parfaitement les armes et le métier et capable d’entraîner et de mener une section a l’attaque, mais il me fallut plusieurs mois avant d’être vraiment accepter comme étant un des leurs.
Donc Fidel, Raul, Cienfuegos et plus tard le Che, à partir du Mexique organisaient la révolution ayant pour seul et unique but de renverser Batista. A l'époque personne ne parlait de parti communiste, un an plus tard ils avaient avec eux environ 80 volontaires et Fidel décida qu’il était temps de revenir a Cuba et de commencer son attaque. Le début de la révolution fut une catastrophe, puisqu’à peine débarque du Granma qui nous avait amenés du Mexique nous furent surpris par l’armée régulière cubaine et une soixantaine d’entre nous furent tués ou fait prisonnier. Le reste, dont Fidel, Raul, Cienfuegos, le Ché et moi-même réussir a s’enfuir et a se réfugier dans la Sierra Maestra d’où Fidel commença a se réorganiser.
Au début bien sur, la réorganisation fut extrêmement difficile, nous n’avions rien, nous avions perdu la majorité de nos hommes et presque toutes nos armes, nourriture, équipement, il ne nous restait que la volonté de continuer. Par chance la population du pays était plus que fatiguée du régime Batista et montrait énormément de sympathie envers nous, semblait toujours prêt a nous aider et a nous fournir des informations au sujet de nos ennemis. Chaque semaine nous amenait un ou plusieurs jeunes qui après des jours de recherche dans la sierra Maestra avait enfin trouvait notre refuge et nous annonçait son désir de se joindre a nous. Je prenais son entraînement en main afin d’en faire un combattant en un temps record. En quelque mois, nous avions de nouveau une centaine d’hommes, ce qui était à la fois énorme et absolument rien vu que nous manquions d’armes, d’uniformes, de munitions et de tout.
Durant les mois qui suivirent, Fidel n’essaya pas vraiment de s’attaquer aux forces de Batista, toute notre activité était surtout une activité de propagande, il fallait faire savoir a la population que nous étions là, près a attaqué le régime, que nous étions prêt a accueillir tout volontaire désireux de se battre. De temps en temps un petit groupe de nos troupes attaquait un poste ou un convoi de l’armée régulière, mais le but de ces attaques étaient surtout de capturer des armes et des munitions, de rappeler a la population que nous étions là et d‘assurer notre contrôle complet de la Sierra Maestra. Après chaque attaque une poignée de volontaire s’enfonçait dans la sierra a notre recherche et rejoignaient nos troupes. De temps en temps Raul et le Ché disparaissaient, partis en mission spéciale. Ils revenaient quelques jours plus tard et reprenaient leur vie dans le camp comme si rien ne s’était passé, mais la lecture des journaux nous apprenait que dans quelques villes ou villages plus ou moins lointains, un ou plusieurs sympathisants de Batista, ou quelques officiers de police un peu passionnés par son travail et un peu trop brutal avait eu un accident grave, avait disparu ou simplement avait été exécuté froidement au nom de la révolution castriste
Une fois de plus José Luis remplit son verre et continua. La petite histoire qui nous occupe a présent se passa un an après la défaite du Granma, en décembre 1957, Fidel jugea qu’il était nécessaire de frapper un peu plus fort nos ennemis afin de bien montrer au peuple que nous étions une force importante et de cette manière bien sûr gagner le support de la population et d’attirer vers nous davantage de volontaires. Il décida donc que nous allions attaquer San Jacintho. San Jacintho était une petite ville, n’ayant somme toute rien de bien particulier si ce n’est qu’elle était relativement proche de la Sierre Maestra. Historiquement parlant c’était une petite ville a vocation militaire, qui abritait depuis des siècles une garnison de l’armée régulière, relativement importante puisqu’au fil des ans elle avait été un poste avancé combattant la multitude de révolutionnaires, esclaves en fuite et autres combattants qui avant nous et depuis longtemps trouvaient refuge dans la sierra Maestra. C’était une toute petite ville somme toute assez banale, elle était traversée par une route venant de l’ouest, qui se transformait en rue principale avant de s’enfoncer vers l’est et le centre de l’Île. Au nord de la ville en direction de la Sierra, une autre petite route s’enfonçait à travers la campagne avant de se transformer en chemin muletier et de disparaître dans des vallées et des collines impassables. Cette route était depuis des temps immémoriaux un des multiples accès de la ville vers la Sierra Maestra, mais aussi un des chemins de descente favori des combattants de l’ombre désireux d’attaquer San Jacintho . Quelque 2 ou 300 ans plus tôt le gouvernement de l’époque avait construit à proximité de cette route une forteresse impressionnante connut sous le nom de Fort Karibs (ainsi nommé du nom des premiers habitants de l”île) qui bloquait complètement l’accès vers la ville et c’était dans cette forteresse qu’était cantonnée les forces de l‘armée régulière, 200 hommes, sous les ordres d‘un vieux capitaine qui, si nous en croyons les bruits qui couraient, attendait la retraite avec impatience et ne s’inquiétait pas trop des ordres venus de La Havane . À partir de ce fort chaque jour 2 sections d’une dizaine d’hommes s’en aller pour 24 heures surveiller la route a l’ouest et l’est et c’est donc ce fort que Fidel voulait attaquer et détruire avec sa poignée de Barbudos.
Le plan était risqué, mais des plus simples, la garnison se réveillait a 5.30, durant les minutes qui suivaient tout un chacun se réveillait, se rendait aux toilettes, s’inquiétait de son déjeuner. En bref durant près d’une demi-heure le service était désorganisé et donc le cantonnement vulnérable, Fidel décida que nous attaquerions a ce moment la afin de prendre les hommes de Batista par surprise. Il était possible en faveur de la nuit de se rapprocher sous les murs du fort et de se tenir prêt et au signal de se lancer l’attaque, la chose pouvait réussir, nous étions une bande de fanatiques motivés contre 180 ou 200 soldats, qui ne s’était engagé que dans l’espoir d’une petite vie tranquille et sous les ordres d’un vieux capitaine en attente de retraite et ne croyant plus du tout aux jours de gloire
L’attaque était prévue pour le 2 décembre, exactement 1 an après l’échec de notre débarquement. Il était évident que si l’affaire réussissait cela nous ferait une propagande du tonnerre et ferait oublier à la population l’échec du Granma.
Mais Fidel, sur ce projet avait été encore plus ambitieux que d’habitude, puis qu’il avait décidé de laisser filtrer l’information à travers toute la région que nous attaquerions le 2 décembre
“ Je veux que tout le monde soit au courant que ce jour-là nous frapperons Batista pour venger notre défaite de l‘an dernier. Seulement, si tout le monde doit savoir que nous attaquerons ce jour-là, il est absolument impératif de garder le secret. Nul ne doit savoir où et quand, si ce sera au nord ou au sud, si ce sera une base militaire ou un poste civil, si ce sera de jour ou de nuit etc . Toute la région sera en état d’alerte, l’armée et la police diviseront leur force pour essayer de protéger tous les endroits subjectifs d’être notre cible, rien que cela créera une inquiétude dans le pays et déstabilisera nos ennemis et lorsque la population se rendra compte que nous n’avons pas reculés alors que toutes les forces de Batista nous attendaient, l’effet sur tous les hésitants a nous joindre sera énorme, nous aurons plus de volontaires que nous n’en désirons et le support que nous recevrons d’un peu partout sera notre meilleure chance de succès lors de l’attaque finale
Le 22 novembre, 10 jours avant l’attaque, Fidel nous convoqua le sergent Lopez et moi-même afin de nous confier une mission en relation directe avec l’attaque. Nous devions nous rendre a San Jacintho, nous installer dans un petit hôtel et prendre contact le plus discrètement possible avec la population afin de voir s’il était possible de recruter une poignée de volontaires qui accepterait de s’activer toute la semaine dans un mouvement de protestation qui occuperait les forces militaires et la police et déstabiliserait un peu plus l’organisation de la garnison, puis nous devions nous tenir prêt, bien sûr nous joindre au combat en vue de la prise du fort.
Le sergent Lopez était un tout jeune homme d’à peine 20 ans qui avait vu les forces de Batista massacrait son père et sa mère, il vouait a l’armée une haine insatiable et dans sa juste colère oubliait toute prudence au moment des attaques et des escarmouches que nous menions vers les réguliers. Il était toujours volontaire et son impétuosité entraînait ses camarades a le suivre, cette passion vengeresse en faisait un meneur d’hommes redoutable et c’est la raison pour laquelle, malgré son jeune âge Fidel l’avait nommé sergent.
Jose Luis remplit son verre et le mien, ses yeux brillait d’une lueur étrange, je me demandais s’il était complètement ivre ou au contraire totalement sobre et absorbé par son histoire et revivant totalement l’action de sa jeunesse
Donc, Lopez et moi descendîmes vers San Jacintho, nous avions suffisamment d’argent pour nous installer a l’hôtel et régaler en vin ou bière tout amateur de discussions politiques ou tout râleur et amateur de trouble et tout aurait bien sûr dû se passer très bien. Malheureusement, ce que nul parmi les révolutionnaires ne savait, c’est que quelque jours plutôt, mon ancien supérieur le lieutenant Vélasquez avait était promu capitaine et qu’il avait été transféré et mis en charge de la garnison de San Jacintho. Il avait pris possession de son nouveau poste, amenant avec lui une poignée de ses hommes et sous-officiers et dès le premier soir tout notre plan bascula, lorsque entra dans le bar un de mes anciens camarades, il me reconnut immédiatement, sorti discrètement, en informa Velasquez et avant d’avoir compris ce qui nous arrivait Lopez et moi étions arrêtés, assommés, enchaînés et jetés dans une cellule dans les profondeurs de Fort Karibs. J’ignorais qu’il existait a Cuba des cellules de ce genre, mais apparemment les sous-sols de Fort Karibs étaient profonds, et je me réveillais dans une cellule sombre, humide, froide n’ayant aucun contact avec la lumière du jour, la porte était en fait une solide grille, interdisant au prisonnier toute tranquillité, les gardiens passant dans le couloir pouvant vérifier a chaque instant ce qu’il faisait. Dans un coin, un trou dans le sol, derrière une plaque de contreplaqué servait de toilette et un minuscule évier laissé couler un peu d‘eau glacée. Nous étions le 23 novembre au soir
Le lendemain matin, je reçus la visite de mon vieil ami Velasques, sanglé dans son uniforme de capitaine tout neuf, il parada un instant devant moi et s’adressa a moi à peu près en ces termes
“ Ca va faire bientôt 3 ou 4 ans que je combats la révolution et que j’entends parler de ton ami Fidel. Je sais comme tout le monde que par bravade, il va nous attaquer quelque part le 2 décembre. Je le connais suffisamment pour savoir qu’il tiendra promesse, que ta présence ici avec ton jeune copain n’est pas une coïncidence, mais probablement fait partie d’un plan d’attaque bien précis, que la cible est donc probablement San Jacintho ou quelque part à proximité. Alors la question est plutôt simple, d’où va venir l’attaque, vont-ils attaquer San jacintho, la sucrerie, ou bien quelque autre endroit stratégique, Alors, ou bien tu me dis ce que je veux savoir, et tout va bien, ou bien je te l’arrache a coup de matraque et tu me connais suffisamment pour savoir que je ne plaisante pas “
Je le connaissais suffisamment et je savais qu’il ne plaisantait pas, mais je trouvais tout de même suffisamment d’insultes pour lui dire ce que je pensais de lui. Il sourit, se leva en aboyant quelques ordres. Je savais que mon futur proche ne serait pas intéressant, ses sbires me tabassèrent toute la journée, j’encaissais sans broncher et sans rien dire, le soir ils me jetèrent sur le sol de ma cellule. Nous étions le 24 novembre au soir.
Le lendemain, à peine nourri et avec un minimum de sommeil, j’encaissais le même traitement, je commençais à me demander combien de temps je pourrais tenir, le soir ils me trainèrent dans ma cellule. Nous étions le 25 novembre au soir, dans 7 jours Fidel et ses hommes attaqueraient, est-ce que je pourrais tenir jusque-là, j’ai honte de l’avouer, mais j’avais un peu oublié le sergent Lopez
Le 26 au matin, je reçus de nouveau la visite du capitaine Velasqués, il était fou de rage.
“ J’ai bien cru que ton copain aller craquer , mais lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne pourrait pas tenir le coup il a préféré se pendre et je te connais suffisamment pour savoir que tu te laisseras massacrer plutôt que de parler, tu gagnes pour le moment, José Luis, mais tu restes mon invité, nous réglerons ceci plus tard, en attendant je n’ai pas de temps a perdre avec toi, je te laisse tranquille, tu peux lécher tes plaies jusqu’au 2 décembre … et après notre victoire … on verra “.
Là-dessus, il claqua la porte et sortit en gueulant des ordres. Nul ne me frappa ce jour-là, je fus nourri a heures fixes, j’avais de l’eau, je me couchais de bonne heure brisé de fatigue et de mauvais coups. Nous étions le 26 novembre au soir.
Le lendemain je me réveillais comme d’habitude à 5 heures, je n’avais pas de montre, mais je savais qu’il était exactement 5 heures. J’avais grandi dans un ranch, dans le sud du pays et depuis ma plus tendre enfance mon père m’avait entraîné a me lever au premier rayon du soleil et aussitôt levé, a procédé a mes ablutions matinales et a allé aux toilettes, je l’entendais encore.
“ Tout ranchero doit se lever avec l’aube afin d’être prêt a affronter sa journée de travail, tout est question d’entrainement et d’habitude. Lorsque tu seras à cheval dans la sierra, tu ne trouveras pas un restaurant ou des toilettes. Donc tu dois habituer ton corps, levé a 5 heures du matin, tout d’abord passage aux WC et ensuite douche et toilette complète, puis petit déjeuner copieux et te voilà près pour une journée de travail en plein air” Son entraînement avait porté ses fruits, depuis toujours, quelle que soit l’heure où je me couchais, je me réveillé a 5 heures, j’allais faire mes besoins naturels, je me lavais et j’étais près a affronter la journée. Mon corps était tellement habitué a cette routine que même si pour une raison quelconque je ne me couchais pas de la nuit, il me fallait répondre a l’appel de la nature vers 5 heures du matin. Donc ce matin la, a mon réveil je n’avais absolument aucun doute, lorsque je sortis des WC, j’étais persuadé qu’il était 5 heures du matin et j’eus la surprise de ma vie lorsque regardant la grande horloge dans le passage devant ma cellule je constatais qu’elle annonçait 6 heures, comment était-il possible que j’ai loupé mon réveil d’une heure, j’attribuais la chose a la tabassée que m’avait mis les hommes de Vélasquez et je n’y pensé plus beaucoup, mais.
Je passais la journée a récupéré des coups reçus la veille et n’ayant rien de mieux a faire je me couchais de bonne heure, nous étions le 27 novembre au soir.
Le lendemain, je me réveillais comme d’habitude a 5 heures, ou du moins je le croyais fermement, je procédais a mes ablutions matinales et sitôt terminé, je jetais un coup d'œil a la grande horloge ou j’eus la surprise de lire 7 heures du matin. Ceci était impossible, comment diable 30 ans d’habitude auraient-elles pu disparaître en l’espace de 2 jours, je ne pouvais pas croire ce que je voyais et pourtant la grande horloge était la et n’ayant aucun autre moyen de vérifier je devais bien la croire. La journée se passa sans histoire, une fois de plus je me couchais de bonne heure. Nous étions le 28 au soir.
Le soir du 28 novembre, je me couchais encore de bonne heure, toutefois cette nuit-là je ne m’endormis pas, les douleurs dut au tabassage que j’avais reçu était maintenant calmés, la grande horloge qui refusait d’être d’accord avec ma biologie me chiffonnait sérieusement et je restais étendu sur mon lit pendant des heures a la regarder. A deux heures du matin deux gardes entrèrent sans faire le moindre bruit dans le couloir, ils vérifièrent à travers de la grille de ma cellule si je dormais, je feignis un ronflement léger, l’un d’entre eux resta à proximité pendant que l’autre se dirigeait vers l’horloge, il ne resta près d’elle que quelques minutes et ensemble les deux gardes s’éloignèrent. Dès que le bruit de leur pas m’apprit qu’ils étaient loin, j’ouvris les yeux, la grande horloge marquait maintenant 3 heures. Je venais de comprendre le piège que me tendait le capitaine Velasqués, le piège que mes habitudes biologiques aussi vieilles que moi m’avait permis de soupçonner, chaque nuit le capitaine Velasqués me volait une heure, le petit jeu avait commençait 3 jours plus tôt, donc nous n’étions pas le 29 novembre a 3 heures du matin, mais bien le 28 a minuit.
Je comprenais maintenant pourquoi le capitaine Vélasquez avait décidé d’arrêter de me torturer et pourquoi il avait décidé de me laisser tranquille jusqu’au 2 décembre. Sachant que je n’avais aucun contact avec la lumière du jour, il m’était impossible de contrôler le passage du temps et je devais me fier a la grande horloge et seule cette habitude de levé a 5 heures suivi de cette visite aux WC qui chez moi était réglé depuis toujours, je ne me serais aperçu de rien
Les quelques jours qui suivirent furent exactement les mêmes, Vélasquéz me volait une heure par nuit, mais maintenant que je connaissais le jeu il m’était facile de faire semblant et de participer et c’est ainsi que nous arrivèrent au matin du 2 décembre
La grande horloge annonçait 5 heures du matin, je m’étais levé comme s’il était vraiment 5 heures du matin et je traînais dans ma cellule semblant attendre le petit déjeuner minable que m’accordait Velasqués. Je savais sans le moindre doute que nous étions réellement le 1er décembre a environ 11 heures du soir, Velasques m’avait volé 6 heures, je n’étais pas vraiment sûr de savoir pourquoi, mais j’étais près a toute éventualité, j’étais sur qu’il y avait une raison, il me suffisait d’attendre.
Je n’attendis pas très longtemps, vers 5 heures et quart a la grande horloge, Velasqués était devant ma cellule, cette fois il ne portait pas son uniforme des grands jours, mais sa tenue de combat. Il montrait clairement qu’au début de cette journée du 2 décembre que Fidel avait choisi pour battre l’armée de Batista, il était prêt au combat et a toute éventualité.
Il paraissait détendu, il tenait deux grands quarts de café et m’en offrit un, comme nous le faisions de nombreuses années plus tôt lorsque nous étions du même bord et que nous devions affronter une journée difficile
“ Salut, je suppose que toi tu as bien dormi, tu n’as aucune inquiétude tu n’as pas passé la nuit a te demander d’où viendrait l’attaque ’’
“ Ca faisait longtemps que je n’ai plus été d’accord avec toi, Vela, mais cette fois je dois dire que tu as raison “
“ Tu te souviens, j’ai toujours été nerveux avant les journées de bagarre, ben tu vois j’ai pas changé, je sais qu’aujourd’hui il va se passé quelque chose. J’essaye d’être près a tout, j’ai étalé mes gars un peu partout à travers la ville, un groupe a l’entrée Est, un groupe a l’entrée Ouest et bien sûr un groupe ici a Fort Karibs et la majorité de mes gars au centre près a prêté main-forte là ou ça pétera. Pas facile quand tu as affaire a des révolutionnaires imprévisibles comme ton Castro, je sais que tu ne me croiras pas, mais je tenais a te dire, j’aurais aimé t’avoir a mes côtés, en souvenir de tant d’autres fois. Non ne proteste pas, je ne te demande pas de tourner ta veste. C’est juste un truc que je te disais comme ça, pour tuer le temps avant l’attaque, en supposant bien sûr qu’il y est une attaque, parce que tu vois c’est ça qui me tue, je suis là tout près à me défendre et finalement tes copains vont peut être attaqué a 500 km d’ici. Quelle connerie “
Je le voyais venir avec son faux semblant d’amitié et de nostalgie, avec cette fausse tristesse et son désenchantement, mais il me fallait jouer le jeu, il me fallait prétendre que nous étions 5 heures du matin le 2 décembre, alors comme si la chose m’avait échappé comme si c’était plus fort que moi et que je voulais faire le matador du fond de ma cellule, je lui lançais
“ Tu sais, quoi, t’as raison d’être nerveux, Véla, parce que l’attaque elle ne va pas être a 500 km, mais bien ici. Ouais mon vieux elle est pour toi, et puisque tu m’as payé un café, je vais être simpha avec toi et je vais te dire un secret, de toute façon cela ne te servira a rien de le connaître ce secret vu qu’il est déjà trop tard,. Regarde la grande horloge, il est bientôt 6 heures du matin, l’attaque est pour maintenant, la, tu vois dans quelques minutes, toute la nuit les gars de Fidel se sont glissés dans les hautes herbes et les cannes a sucres et ils sont une centaine là-bas tout près de l’entrée Est ou toi tu n’as qu’un petit groupe de défenseurs. A 6 heures pile, c’est-à-dire maintenant, ils vont sortir des herbes en même temps que le soleil, tes gars n’auront le temps de rien voir, ils auront le soleil dans les yeux et Fidel aura le soleil dans le dos, ils auront perdu la bagarre avant même d’avoir compris qu’ils étaient attaqués. Et après, le reste ne sera qu’une formalité, tes gars sont séparés les uns des autres par groupe d’une cinquantaine au plus et avec une centaine de barbudos déchaînés, Fidel n’en fera qu’une bouchée. Lui ne fera pas la même erreur que toi, ses hommes resterons groupés et attaquerons tes gars les uns après les autres, tu vois l’astuce de Fidel en laissant le pays savoir qu’aujourd’hui il vengerait l’échec du Granma était très simple, il s’agissait tout simplement de rendre nerveux les mecs comme toi et de les obligés a essayer de protéger leur ville partout à la fois, et tu vois cela a marché, que tu le veuilles ou nom tu as déjà perdu la bataille Vélasquez, peut être que le mieux pour toi serait de fuir, et là-dessus j’éclatais de rire “
Vélasquez, me regardait avec un mince sourire cruel aux lèvres, il murmura un “PAUVRE CON” d’un air supérieur et se levant, jeta son quart de café et s’éloigna à grandes enjambées vers la sortie afin j’en étais sur de donner une succession d’ordres qui enverraient vers l’entrée Est de la ville la presque totalité de sa troupe. Il avait 6 heures devant lui pour exécuter cette manœuvre, j’étais sûr qu’il devait jubiler intérieurement, certain de m’avoir bien eu avec son trafic horaire. De mon côté, je restais debout près de la grille un long moment finissant mon café et regardant la grande horloge, puis a mon tour je murmurais “PAUVRE CON” et n’ayant rien d’autre a faire je retournais me coucher afin d’attendre les 5 heures du matin réelles qui verrait le début de l’attaque de la révolution.
À 5 heure 32 exactement, les barbudos sous les ordres du lieutenant Diego, commencèrent a se glisser a l’intérieur de Fort Karibs dans l’espoir de prendre les sentinelles par surprise et eurent la surprise de le trouver presque désert et silencieux au lieu du brouhaha matinal auxquels ils s‘attendaient. Les quelques gardes qu’ils rencontrèrent furent rapidement mis hors de combat, assommés ou poignardés en silence, ils étaient tellement calme que du fond des oubliettes je n’entendis rien et que je commençais a me demander si tout se passer bien comme prévu. Inquiet du silence inattendu et craignant un piège le lieutenant Diego plaça immédiatement des gardes un peu partout afin d’éviter une mauvaise surprise, puis il envoya dans le sous-sol un groupe de 5 hommes, dès que je les aperçus, je les appelés, ils me reconnurent et en quelques minutes démolirent la grille de la cellule. Je me précipitais dans les escaliers, je trouvais Diego et sans lui donné de détails inutiles je lui expliqué rapidement que j’avais réussi a faire croire a Vélasquez que l’attaque serait a 6 heures a l’entrée Est de la ville et que donc toute la garnison devait être la bas a nous attendre. Il nous suffisait donc de traverser la ville en vitesse et nous pourrions les prendre a revers. Le lieutenant Diego était un combattant, il réagit instantanément, il me donna une grande claque dans le dos et donna l’ordre de traverser la bourgade en courant et en silence.
À 6 heures moins 3 minutes nous avions traversé le patelin et nous étions derrière les hommes de Vélasquez. Tous armés jusqu’aux dents, bien embusqués, cachés, ils étaient près a massacré les attaquants qui, ils le croyaient du moins aller surgir des herbes dans quelques minutes. Là-bas, derrière un coin de mur je vis Vélasquéz qui consultait sa montre avec impatience, désireux de se battre et savourant déjà sa victoire. Là-bas vers l’est le soleil commençait a se montrer timidement et les premières lueurs du jour éclairaient un léger brouillard flottant presque au ras du sol. À ma droite a moins de 3 mètres Diego aussi consultait sa montre, il jeta un regard tout autour de lui et constata que ses cinquante hommes étaient tous là, eux aussi embusqués et prêt au combat. Son coup de sifflet me vrilla les oreilles. Plusieurs des soldats de l’armée régulière l’entendirent aussi et se retournèrent, mais pour eux il était déjà trop tard, la fusillade fut extrêmement brève et meurtrière, les hommes de Vélasquez tombèrent comme des mouches, ne comprenant rien a ce qui leur arrivaient, ils se retournaient essayant de répondre a notre feu nourri avant de comprendre l’inutilité de ce combat et de jeter leurs armes en levant les bras. Combien étaient étalés au sol tués ou blessé je ne saurais le dire, le lieutenant Diego hurlait.
“Cesser le feu, cesser le feu, cesser le feu nous sommes des révolutionnaires, pas des bouchers, que tous ceux qui se rendent sans résistances soient épargnés”
Quelques armes continuèrent de tirer encore un moment et puis ce fut le calme qui suit les batailles, quelques secondes sans un bruit, presque irréelles après le vacarme avant que les blessés ne commencent a gémir. Vélasquez avait laissé une quinzaine d’hommes a Fort Karibs et une dizaine a l’entrée Ouest, se confiant a cent pour cent a ce que je lui avais dit, il avait avec lui la presque totalité de sa troupe peut être 170 ou 180 hommes, plus de la moitie gisaient sur le sol mort ou blessés, d’autre abasourdis étaient assis et regardaient sans nous voir, une quarantaine peut être étaient encore debout.
Les ordres du lieutenant Diego tombaient rapidement, le combat avait complètement cessé, nos hommes s’emparaient des armes, des chargeurs, des poches de munitions et des ceinturons, nul ne céda a la colère et a la haine et aucun des blessés ne fut exécutés, un de nos hommes apparut guidant une douzaine de mules sur lesquelles furent chargé armes et munition. Je me dirigeais vers l’endroit ou j’avais vu Vélasquez pour la dernière fois, il respirait encore, quoique péniblement, il me vit venir et essaya un sourire
“Tu m’as bien eu, je crois que c’est moi le Pauvre Con maintenant, dommage que je n’ai plus le temps, j’aurais aimé savoir comment tu as sus, Je suppose que je ne serais jamais commandant “, en souvenir de notre ancienne amitié, je lui fermai les yeux et remis sur sa tête sa casquette de capitaine, j’empêchais un barbudo de lui prendre son ceinturon et son revolver et sans un mot je rejoignis notre troupe qui s’éloignait déjà. Il était à peine 6 heures et demi
Nous firent halte rapidement au Fort Karibs afin de saisirent armes, munitions, vivres, vêtement et tout ce qui pouvait nous être utile et nous reprirent rapidement la direction de la Sierra Maestra.
Un peu inquiet Fidel nous attendait, le lieutenant Diego le rejoignit aussitôt dans sa tente et lui fit son rapport, ils sortirent ensemble et Fidel félicita chaudement tout le monde, promettant quelques bouteilles de rhum pour célébrer la victoire. Puis il me fit appeler et me demanda comment j’avais réussi a convaincre Vélasquez que l’attaque viendrait de l’Est. Je lui expliquer le petit jeu du capitaine et comment je m’étais aperçu de la chose, il me félicita pour mon action, mais il paraissait un peu froid et j'eu l’impression qu’il ne tenait pas vraiment a ce que l’histoire se rappelle qu’un de ses hommes avait réussi a tromper le capitaine Vélasquez, simplement parce qu’il avait l’habitude d’aller aux toilettes a heure fixe. Je décidais de garder cette partie de l’histoire pour moi, j’oubliais aussi de mentionner que le sergent Lopez s’était pendu de peur de craquer et je racontais a qui voulait l’entendre qu’avant de mourir sous la torture le sergent Lopez avait réussi a faire passer cette fausse information que le capitaine avait été suffisamment stupide pour croire. Quelque mois plus tard, Fidel décora le sergent Lopez a titre posthume. À ce jour nul n’a jamais su comment Vélasquez a été piègé, par moi, avec son histoire de décalage d’horloge.
Le reste bien sûr tu le connais, cela fait partie de l’histoire de Cuba, la victoire écrasante de San Jacintho, le sacrifice du sergent Lopez qui en fut la seule victime du cote de la revolution, le nombre de morts et blessés laissés sur le terrain par l’armée régulière nous fit une propagande immense. Le peuple parlait des barbudos comme des presques surhommes invincibles, de nombreux volontaires joignirent nos forces et un an plus tard la victoire finale était à nous.
Le restaurant était maintenant vide, nous étions seul José Luis et moi sous la véranda au fond du jardin. Il vida son verre, une autre bouteille était apparue, amenée par une des serveuses qui était repartie sans mot dire. Ce soir était la soirée du grand-père et on la respectait. Il resta un long moment silencieux, le regard perdu dans le vide, se rappelant je pense ces jours de combat, je ne disais rien, bien sûr, j’attendais et sirotais mon rhum lentement
“ Tu vois, c’était il y a plus de quarante ans, la plupart des participants a cette affaire sont mort maintenant, il ne reste plus guère que Fidel, Raul, moi et peut être 2 ou 3 autres soldats de fortune perdus quelque part dans l’île. Beaucoup de choses se sont passées depuis. Beaucoup de choses ont été dites et écrites. Beaucoup de choses ont était faite. Le pays a complètement changé. Mais souvent je me suis demandé, comme ça tout seul dans mon coin “SI, et je dis bien SI, il n’y avait pas eu l’entraînement de mon père lorsque j’étais tout gosse et qui faisait que je chiais a heure absolument régulière (je savais que maintenant il était vraiment éméché, ce n’était plus ses besoins biologiques ou le WC ou les toilettes, il avait retrouvé le langage des soldats) SI, il n’y avait pas eu cette habitude plus forte que moi-même, je n’aurais probablement jamais découvert le piège de Vélasquez, je ne l’aurais pas couillonné et je ne l’aurais pas envoyer a l’entrée Est et SI, je ne l’avais pas envoyé a l’entrée Est, lorsque les gars de Fidel sous les ordres du lieutenant Diego se seraient présente a Fort Karibs, qu’auraient-ils trouvé. Un fort désorganisé en train de se lever comme le pensait Fidel ou bien une garnison organisée sous les ordres de Vélasquez qui les attendait et les aurait massacrés. Qui sait, qui le saura jamais, qui sait. C’est tout de même amusant de se dire que peut-être l’histoire du pays aurait pu être complètement différente, et tout ça parce que je chie a cinq heures du matin. Et dire que durant toutes ces années je n’ai jamais rien dit, j’ai gardé le secret, je ne sais pas pourquoi, peut être que j’avais peur de Fidel, peut être que je tenais a laissé sa gloire au sergent Lopez, après tout c’était un brave et un bon copain, mais ce soir tu vois, je crois que je suis ivre et ça m’a fait plaisir de reparler de tout ça, ça m’a fait plaisir et puis, je crois que pour Lopez ça n‘a plus beaucoup d‘importance “
Là-dessus il se leva, l’alcool lui était vraiment monté a la tête et il avait de la peine a se tenir droit, mais des années de vie militaire le soutenait, il me salua, fit le tour de la table et commença a s’éloigner, quelques mètres plus loin il se retourna
“ Peut être qu’un jour tu la racontera cette histoire, a des copains, un soir de fête, une soirée d’hiver, qui sait. Aucun problème, c’est pour cela que je te l’ai racontée, pour que tu la fasses passer. Mais fais-moi une faveur quand même, quand tu la racontera, change les noms, Fidel, Raul, Le Ché, eux bien sûr ça n’a pas d’importance, tout le monde sait qu’ils étaient la. Mais les autres, moi, Lopez, le lieutenant Diego, les soldats, le village, le nom du fort, même Vélasquez , change tout ça tu veux, nous avons tous des enfants et des petits-enfants, et tu sais la révolution a Cuba, même après 40 ans, elle n’est pas encore finie … alors “
“ Okay, hombre, je garderais ton secret, nul ne saura jamais ton vrai nom, ni le nom des autres et ni le nom du village “
Tu vois j’ai tenu ma promesse Commandante …. Y VAYA CON DIOS
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire