samedi 21 janvier 2023

45 Protege de Dieux

                         Et si j’étais protégé des Dieux

     Ici se termine cette petite série d'histoires, toutefois, avant de m'en aller, je voudrais y ajouter le récit de quelques mésaventures qui font que bien souvent je me suis posé cette question,” comment ai-je fait pour arriver a 70 ans ?  Est-ce que tout au long de ma vie j’ai simplement eu de la chance. Suis-je protégé par les Dieux ?"

                                                  Fort de France
     Nous étions en 1965, je faisais mon service militaire. Désireux de profiter au maximum de cette période que la France m’imposait, j’avais décidé de ne pas simplement jouer au petit soldat, mais d’essayer de retirer de cette période de ma vie le plus possible. Je m’étais donc porté volontaire pour l’outre-mer, et la chance étant de mon côté, j’avais été expédié au Détachement Air a Fort-de-France en Martinique
     Le Détachement Air a Fort-de-France était une unité minuscule, puisqu’elle se  composée en tout et pour tout de moins de dix hommes, deux officiers et deux sous-officier navigants, plus un sous-officier secrétaire et quatre soldats remplissant différentes fonctions de secrétariat, de nettoyage, d’homme a tout faire et de chauffeurs.
     J’occupais donc la position de chauffeur du commandant, travail somme toute plutôt simple et qui me laissait libre de mon temps pratiquement tous les soirs. De plus j’étais logé a l’Etat-major en plein cœur de la ville a quelques 500 mètres du front de mer et a moins d’un kilomètre du port.
      La ville était plutôt agréable, puisque nous profitions d’un éternel été et chaque soir nous voyait traînants dans les rues, admirant le coucher de soleil sur la mer où lorsque les fonds le permettaient dégustant un Ti Punch a la terrasse d’un café.
     Il nous avait été très fermement recommandé de rester le plus loin possible du quartier du port. Si le quartier était relativement calme dans la journée, comme tous les ports à la nuit tombante il devenait le territoire des marins en goguette à la recherche de compagnie féminine et d’alcool. Le quartier était aussi le territoire de prédilection de bandes de jeunes désœuvrés et contestataires. Il n’y avait pas vraiment a l’époque de problèmes raciaux a la Martinique. Mais les problèmes de chômage existant depuis toujours dans les îles ou l’industrie est inexistante et qui frappait les noirs beaucoup plus que les blancs, plus les vieilles rancœurs datant encore du temps des esclaves laissaient planer sur l’île une atmosphère plus ou moins tendue, qui était beaucoup plus visible dans les bas quartiers de la ville ou quelque mouvement politique de gauche racolaient ouvertement. Pratiquement chaque soir, éclatait une ou plusieurs bagarres entre marins de diverses nationalités et la jeunesse locale noire qui s’entassait dans les bars a bon marché. La gendarmerie ou la police militaire devaient intervenir avec plus ou moins de fermeté, ils avaient ordre d’éviter au maximum les problèmes raciaux, mais bien sûr, chaque jour amenait sa part d’événements et les uniformes, quelles qu'ils soient n'étaient pas particulièrement les bienvenus .
     J’évitais donc d’aller y traîner la nuit, jusqu’au jour où le hasard me fit rencontrer sur l’esplanade Kevin, un marin Canadien Français qui s’était égaré dans la ville et semblait avoir des problèmes pour retrouver son bateau. Il avait l’air très simpha, nous étions au milieu de l’après-midi, le quartier était toujours très calme a cette heure-là, j’avais du temps et je lui proposais donc de l’accompagner jusqu’à son bord. Bien sûr il m’invita à partager une ou deux bières et lorsque je pris le chemin du retour la nuit était tombée. Il était tard, je me dirigeais vers le centre-ville d’un bon pas, la rue était mal éclairée et encombrée de nombreux passants a majorité jeunes et noirs, plus quelques marins par groupe de 3 ou 4. Tout un chacun vaquait a ses occupations, les marins allant de bar en bar et la jeunesse locale s’intéressant comme partout dans le monde aux membres du sexe opposé. Nul ne semblait remarquer ma présence et mon uniforme, je me détendais un peu, de chaque côté de la rue de nombreux bars bruyants attiraient mon regard, mais je les ignorés. Je passais devant un petit bordel minable ou je fus accosté par une des professionnelles, je ralentis ma marche afin de refuser ses offres, et je continuais tranquillement mon chemin.
     Sans le moindre incident, j’avais presque atteint la limite du quartier dit “dangereux”, j’avouerais que je l’avais trouvé extrêmement calme, j’étais tout de même content d’en sortir, sachant que sa réputation de quartier mal famé était bien réelle. C’est a ce moment-là que mon attention fut attiré par un grand bâtiment, une sorte de hangar ou d’entrepôt ou un nombre important de personnes s’était rassemblés. Curieux je m’approchais, tout au fond du hangar, sur une estrade, face a deux micros un homme s’adressait a la foule, je compris très vite qu’il s’agissait d’une réunion politique. L’homme vêtu d’une chemise et de pantalons kakis, racontait a qui voulait l’entendre qu’il arrivait de Cuba, l’île toute proche ou avait sévi la révolution communiste quelque années plus tôt. Il était aussi excité que l’on peut l’être et développait l’image du merveilleux monde marxiste ou tous ensemble, un peuple travaillait main dans la main pour un meilleur avenir. Il brandissait une photo assurant que c’était une photo montrant Fidel Castro lui-même, qui machette a la main participait a la coupe de la canne a sucre comme tout un chacun. Bref, rien de particulièrement spécial si ce n’était l’enthousiasme de l’orateur qui remuait la foule. Je m’avançais un peu plus a l’intérieur du bâtiment afin de mieux voir ce qui se passait, a 2 ou 3 mètres de moi une jeune fille me remarqua. Elle poussa son compagnon du coude et pointa vers moi, il me regarda un instant avant de pousser lui aussi du coude un de ses compagnons et très vite je remarquais que plus d’une douzaine de personnes me fixaient avec surprise tout d’abord puis avec incompréhension et méfiance, semblant se demandais “qu’est-ce que je fichais la “. Je regardais moi aussi la foule et constatais que j’étais le seul, absolument le seul homme blanc au milieu d’une centaine de noirs tous jeunes et plus ou moins excités par l’orateur communiste et révolutionnaire. En plus, j’étais en uniforme, et je doutais que la plupart des gens autour de moi soit capable de faire la différence entre un uniforme de l’armée de l’air ou celui d’un flic.
     Très vite je me rendis compte que j’avais commis une erreur grave, qu’il me fallait sortir d’ici au plus vite, que je n’étais pas le bienvenu, quelqu'un allait penser que j’étais venu les espionner ou les narguer et un faux mouvement pourrait très vite se terminer par une bagarre dans laquelle je n’avais aucune chance. Pourquoi étais-je rentré dans ce bâtiment, la situation devenait de plus en plus tendue, je m’étais retourné, essayant de me frayer un passage vers la sortie, mais je pouvais a peine bougé. Là-bas, l‘orateur s‘était arrêté de parler. Je pense que maintenant tout le monde regardait vers moi et de nombreux regards étaient franchement hostiles. Quelques jeunes, tout a l'avant, essayaient de s’ouvrir un passage à travers la foule afin de se rapprocher. Bien sûr, j'étais conscient que la majorité des gens dans cette salle étaient de simple citoyen, qu'ils n'étaient pas particulièrement violents, qu'ils n'étaient pas a la recherche de problèmes, qu'ils étaient pacifiques et tolérants. Mais je ne doutais pas un instant, qu'il y eut aussi parmi la foule, une ou plusieurs de ces bandes sans arrêt a la recherche de bagarres et dont les victimes favorites étaient bien sur l'ennemi héréditaire blanc, que l'on frappait au nom d'une rancune vieille de plusieurs siècles. Déjà plusieurs personnes étaient entre moi et la sortie, j‘étais fichu, même si j’arrivais à atteindre la porte et même en courant comme un maniaque, je n’avais vraiment pas beaucoup de chance.
     Un homme d’âge mur, très grand, très droit, fut le premier a réagir, il me mit la main sur l’épaule " je ne crois pas qu'il n'y ait de place pour un uniforme ici" dit-il en me poussant gentiment vers l'extérieur, Sa carrure, son âge, son maintien, son autorité naturels en imposaient, les jeunes s’écartaient sur notre passage, nul ne parlait, lorsque nous furent près de la porte, il me poussa dehors calmement et m‘accompagna sur quelques 20 mètres. Loin derrière moi j’entendis l’orateur qui reprenait son discours, je poussais un soupir de soulagement et je me précipitais vers la lumière de la grande rue.

                                                    Afghanistan 
     Comme je l'ai déjà mentionné plus tôt, au début des années soixante-dix je voyageais en compagnie de 3 camarades anglais à travers le Moyen-Orient. Tous ces pays étaient à l’époque, relativement calme. Bien sûr l'Islam était partout avec ses règles plutôt strictes et il était nécessaire de respecter les coutumes, mais l'un dans l'autre en faisant un peu attention, il n'y avait aucun problème et les touristes étaient les bienvenus.
     Le Shah régnait encore sur l'Iran, les ayatollahs ne contrôlaient pas encore le pays, en Afghanistan l'autorité du roi n'était pas contestée et les talibans étaient encore inconnus. Le peuple afghan depuis toujours fier et ombrageux semblait entretenir encore une vieille rancune contre l'Angleterre, mais acceptais les occidentaux  traversant leur pays vers le Pakistan et les Indes. Le pays traversait une période de calme et de tolérance et attirait un grand nombre de touristes et de Hippys curieux de découvrir ce peuple guerrier et bagarreur, n'ayant jamais connus au fils des siècles une invasion de leur territoire.
     Nous étions donc a Kandahar, une des quelques grandes villes d'Afghanistan, il faisait plutôt froid. Je m'étais réveillé de bonne heure et n'ayant rien d'autre a faire je décidais d'aller me balader en ville afin de voir le monde se réveiller. Je suivais la grande rue lorsque mon regard fut attiré par un attroupement important, tout là-bas près de la Mosquée.
     Il est intéressant de mentionner ici, que si aujourd'hui j'ai plutôt tendance lorsque je vois un attroupement a me diriger de l'autre côté, afin d'éviter toute confrontation parfois désagréable, a cette époque-là, ma réaction était complètement différente et tout attroupement m'attirait comme un aimant, car bien sûr, s’il y a du monde c'est qu'il va se passer quelque chose et ce quelque chose il me faut le voir.
     Pour rejoindre cet attroupement, je pouvais bien sûr suivre la grande rue et prendre une petite ruelle sur la gauche qui m'emmènerait près de la mosquée. Je pouvais aussi traverser un petit champ qui suivait cette rue et donc en coupant à travers ce terrain vague je pouvais être sur place beaucoup plus rapidement. Ce terrain ressemblait a une sorte de décharge publique de matériel de construction, un peu partout de nombreux monticule de pierres, de terre, de briques ou de je ne sais quels autres matériaux. Le tout semblait être très sec et je ne risquais donc pas de me couvrir de boue, je n'hésitais pas, j'étais curieux de voir ce qui se passait là-bas près de la mosquée et je commençais a traverser le terrain vague, escaladant ou enjambant sans aucune difficulté les monticules qui étaient sur mon chemin. Je regardais la foule de loin, je n'avais aucune idée de la raison du rassemblement, probablement quelque fête locale ou quelques célébrations musulmanes, je sortis mon appareil photo prêt à toute éventualité
     J'étais à peu près au milieu du terrain vague, a quelques cinquante mètres du groupe d'Afghanis lorsque je remarquais qu'un jeune homme pointait le doigt dans ma direction. Il attira l'attention de deux ou trois de ses camarades et tout regardèrent vers moi. Ils parlaient entre eux a voix hautes, j'étais trop loin pour les entendre et bien sûr ils parlaient en Afghanis et je n'aurais rien pu comprendre, mais j'avais tout de même l'impression que quelque chose clochait. J’aurais pu bien sûr faire demi-tour, mais je me dis que de montrer mon inquiétude ou ma peur n’était pas une bonne idée et je continuais d'approcher lentement, espérant que tout ce passerait bien. J'ignorais quelle était la raison du rassemblement, mais la chose ne me paraissait pas être un secret ou une réunion interdite aux étrangers. C'était maintenant deux douzaines de personnes qui regardaient dans ma direction, pointant du doigt et criant dans ma direction avec colère dans un langage que je ne comprenais pas du tout. Plusieurs d'entre eux avaient glissé la main sous les longues chemises afghanes qu'ils portaient tous et ou je savais qu'ils cachaient leurs armes, couteaux ou revolvers. Je n’avais aucun doute maintenant, je voyais bien qu'ils étaient tous fous de rage contre moi. Je m’arrêtais de marcher, je n'avais absolument rien fait de mal et je ne comprenais pas du tout ce qui se passait. Le jeune homme qui m'avait remarqué le premier marchait maintenant dans ma direction, pointant le doigt avec fureur, serrant les poings. Je regardais autour de moi avec la peur au ventre, le jeune homme venait vers moi presqu’en courant mais évitait avec précaution de marcher sur les monticules de terre et caillasse. Soudain je réalisais que ces monticules de terre et pierres étaient trop bien aligné pour être une décharge. D'un seul coup je compris la situation, je n'étais pas sur un terrain vague, mais dans un cimetière et depuis plusieurs minutes je marchais sur des tombes ce qui bien sûr rendaient ces gens furieux. Je sautais le plus loin possible de ces tombes essayant par geste de le faire comprendre que c'était une erreur et que je ne savais pas. Le jeune homme ne cherchait pas a comprendre, il s'avançait l'œil violent, encouragé par une poignée d'autres jeunes gens venant eux aussi dans ma direction, j'étais fichu
     A ce moment-là, le haut-parleur de la mosquée crachota et l'appel a la prière résonna à travers la ville. La demi-douzaine d’énergumènes qui semblaient près a m'étriper s'arrêta, hésitant entre le devoir de la prière et le devoir de punir l'étranger qui avait insulté leurs ancêtres. Le jeune homme continuait dans ma direction, un de ses amis le tira par le bras l'entraînant vers la mosquée, tous ensemble ils firent demi-tour, deux ou trois d'entre eux me jetèrent des regards mauvais, me menaçant du poing, me faisant signe de disparaître. Le langage des signes est parfois très clair, je quittais le cimetière en courant et en évitant avec beaucoup d'attention de marcher sur les monticules de gravats

                                      Les freins
     Je ne me souviens évidemment pas très bien quand ceci arriva, disons que c'était probablement quelque part aux alentours de 1970 ou 71, a l'époque je travaillais pour "Mount Newman Mining company"
     J'étais en Australie depuis bientôt un peu plus de 1 an et j'avais pratiqué pour survivre, une multitude de métiers. Désireux d'améliorer ma condition sociale et considérant qu’en France j'avais tous les permis de conduire, il me paraissait raisonnable qu’en Australie je puisse travailler comme chauffeur. Pour cela il me fallait obtenir un permis de conduire Australien de l'état du Western Australia. Mon anglais était encore plutôt pauvre et j’avais beaucoup de problèmes pour passer l'épreuve du code. Par chance quelqu'un m'avait parlé d'une auto-école, propriété d'un moniteur italien qui connaissait quelqu'un a l'inspection des permis de conduire et qui pour un prix raisonnable pouvait arranger un permis très facilement. Je payais mes cinquante dollars et me trouvais en possession d'un permis poids lourd plus vrai que nature, fort de ce permis je décrochais un emploi a la Mount Newman Mining Company comme chauffeur de HaulPak.
     La Mount Newman Mining Company était une énorme company qui exploitait une mine de fer au milieu du désert du western Australia. Nous parlons là d'une montagne de minerai qu'il suffisait de creuser, de charger dans des camions et d'envoyer vers les usines de traitement japonais pour le transformer en barre de fer. Chose relativement facile, mais qui nécessitera beaucoup, beaucoup de dollars d'investissement en matériel, camions, chemin de fer, bateaux, logement, etc.
      Tout ceci évidemment ne me concernait pas, ce qui m'importait c'est que j'avais décroché un bon boulot, logé, nourri et une paye raisonnable pour 12 heures de boulot par jour, une semaine de nuit et une semaine de jour et quinze jours de congé payé au bout de un an de présence, le boulot étant chauffeur de HaulPak.
     Le HaulPak étant tout simplement un énorme camion de chantier de 75, 120 ou 250 tonnes qui transportera du haut de la colline un chargement de minerai vers un broyeur géant qui réduira les rocs géants en gros gravillons qui seront ensuite chargé sur train et bateau vers l'usine au japon.
     Après une petite semaine avec un autre chauffeur qui me montrait les ficelles du métier, je me vis confier le haulpak de soixante-quinze tonnes numéro 13, j'aurais dû me méfier et me souvenir que ce numéro avait la réputation de porter la malchance. Je n'y pensais pas du tout et je me lançais dans la routine du travail, routine étant d'ailleurs le mot pour ce genre de travail puisque qu'il consistait a
- prends ton camion, vérifie l'huile et démarre
- monte en haut de la colline vers la pelle mécanique ou tu as été affectée pour les prochaines 12 heures
- reçoit ton chargement de ladite pelle mécanique
- descends de la colline vers le broyeur
- Benne ton chargement dans le broyeur et repart vers le sommet de la colline pour un autre chargement
-continue cela toute la nuit ou tout le jour soit environ 30 ou 40 voyages, etc.
     Cela dura plusieurs mois sans le moindre problème, je faisais mon boulot, j'apprenais l'anglais, j'empochais mon chèque hebdomadaire que je mettais à la banque en me disant que bientôt je partirais pour les vacances du siècle.
     Un soir, alors que j'embauchais comme d'habitude, le chef d'équipe ou foreman comme on disait ici, m'informa que cette nuit je ne ferais rien, vu que mon camion était en panne et qu‘il n‘avait pas de véhicule de rechange. Il me mit pour la nuit avec un autre chauffeur, je me calais sur le siège passager, lisant, somnolant et attendant le passage des heures. Vers 4 heures du matin, le foreman vint me chercher et m'informa que mon camion étant enfin réparé, je reprenais du service, le jour se levait, j'étais a moitie abruti par une nuit d'inactivité, je montais dans mon véhicule, je passais les vitesses et rejoignit ma position a la pelle mécanique numéro 3. Je reçus mon chargement de 75 tonnes et j'attaquais très relax la descente vers le broyeur. Il y avait environ un kilomètre de route tout en descente assez raide, très vite je me rendis compte que mon camion poussé par sa charge prenait de la vitesse. Je touchais les freins comme je l'avais fait des milliers de fois, rien ne se produit, les freins ne fonctionnaient pas. Le camion prenait de la vitesse, je rétrogradais les vitesses, cela me ralentit un peu, mais ne résolut en rien le problème. J'avais devant moi près d'un kilomètre de descente tortueuse avec 75 tonnes de charge plus le poids du camion soit environ 100 tonnes qui me poussaient au cul et pas de frein. Je pompais la pédale de frein comme un maniaque, j'eu l'impression de ralentir un peu, mais cette impression fut de courte durée. Ma vitesse augmentait très vite, le jour se levait et je voyais toute la route devant moi, apparemment il n'y avait personne devant, j'avais peut être une chance. Je savais qu’en bas, il y avait le broyeur et tout autour du broyeur un genre de rond-point immense, si nul n'était devant moi, je pourrais peut être atteindre ce rond-point, faire le tour du broyeur et de repartir sur la route qui remontait vers la colline et la bien sûr la pente m'arrêterait. Ceci dit, il me suffisait de rester sur la route, de ne pas louper un virage, ces camions n’étant pas du tout construit pour la vitesse ou le slalom, mon véhicule allait de plus en plus vite. Là-bas, loin devant, je voyais le broyeur avec deux camions arrêtés dans le rond-point, j'avais encore toute mes chances, ces deux camions avait largement le temps de sortir du rond-point, néanmoins je commençais a paniquer. Je saisis la cordelette qui actionnait la sirène, je voulais au moins laissait savoir aux autres que j'avais un problème, la sirène hurlait a la mort, le camion volait maintenant sur la piste. Du coin de l'œil je vis un des Foreman qui remontait vers la colline, faire demi-tour et me suivre, j'étais pétrifiais par la peur, mais je me cramponnais au volant, sur le rond-point il n'y avait maintenant plus que un camion, bouge ...  bouge ... bouge. Comme une balle la camionnette du chef d'équipe venait de me dépasser, je crus comprendre qu'il avait compris mon dilemme et qu'il venait a mon aide. Déjà il était là-bas sur le rond-point, il jaillit de sa camionnette, agitant les bras comme un moulin a vent, le chauffeur de l'autre HaulPak près du broyeur dut comprendre ce que on attendait de lui, il avança lentement, lentement, si lentement ...bouge-toi ...  bouge-toi. C'était bon il était hors du passage, j'arrivais a pleine vitesse, la sirène hurlant a la mort, le moteur devait être près a exploser tournant beaucoup, beaucoup plus vite que ses tours minutes normaux. J'aperçus deux ouvriers a pied qui se jetèrent hors de mon chemin, j'allais trop vite, jamais je ne pourrais négocier le rond-point, même avec personne devant moi je ne pourrais jamais faire le tour du broyeur sans me casser la gueule. J'étais fichu, j'étais cramponné au volant, j’appuyais toujours sur cette pédale de frein qui ne servait a rien, j’avais envie de gueuler mais je gardais les dents serres. J'étais toujours sur la route, le broyeur défilait sur ma droite, là-bas loin, très loin le soleil se levait, le camion semblait près a se coucher sur le côté gauche, le bruit du moteur était absolument infernal. Le broyeur n'étais plus là, j'avais compléter mon tour et je commençais a remonter vers la colline, le camion ralentit et finalement s'arrêta, je le laissais reculer lentement jusqu'à ce qu’il se coince sur un tas de pierraille. Je tremblais comme une feuille, le foreman était près de la porte et me demandait si ça allait et la seule chose dont je me souvienne est      
      "Ne pas craquer, ne pas chialer ou tu va avoir l'air d'un con"       

                                      Singapour
      C'était en 1974, après un long séjour en Australie, je retournais vers la France par le chemin des écoliers, faisant escale a Singapour, qui n’était pas encore a l’époque la ville super moderne, régulée et policée qu’elle est devenue aujourd‘hui. En ce temps-là, il flottait encore dans la ville ce parfum de colonialiste anglais, auquel se mélangeaient avec bonheur un nombre incroyable d’ethnies et de cultures de toutes sortes. Malaisiens, indonésiens, indiens, Thais, chinois et bien sûr européens se côtoyaient a tous les niveaux de la société, parlant dans toute les langues, échangeant, achetant, vendant et trafiquant absolument tout et n’importe quoi
     A cela bien sûr venait s’ajouter la multitude de touristes, a la recherche de bonnes affaires dans cette ville détaxée, et curieux de découvrir cet exotisme qui traînait encore a chaque coin de rue. Pour toutes les raisons ci-dessus j’adorais Singapour, c’était mon troisième séjour je connaissais un peu la ville et j’avais bien l’intention de profiter de ces vacances.
     Dans la journée je traînais un peu partout essayant de voir en un temps record toutes les curiosités de la ville. Le coût de la vie était encore raisonnable, et si dans la ville elle-même j’allais dans les restaurants a touristes relativement chers, j’avais découvert depuis longtemps qu’en s’écartant un peu du centre-ville il était possible de manger vite et bien dans la multitude de mini-restaurants chinois qui semblaient pousser a chaque coin de rue. Le soir, j’allais traîner dans les bars, les boites et restaurants à la recherche de cette atmosphère si différente du monde occidental qui m’avait attiré vers Singapour.
     À l’époque tout le monde avait entendu parlait de la fameuse “Bugis Street” un des centres de la vie nocturne le plus populaire et le plus connue de la ville. Essayer de décrire Bugis street est à peu près impossible, je me souviens d’une petite rue en partie bloquée a la circulation et envahie d’une multitude de petites boutiques, de bars et de restaurants. Les mots, bars et restaurants étant ici utilisaient d’une manière très libérale faute d’un autre mot. Les bars et restaurants en question n’étaient en réalité qu’une série de table et chaises installées un peu partout sous des espèces de grands parasols ou de tentes. Je n’ai absolument aucune idée ou était cuisiné la nourriture en majorité chinoise, qui était servie sur ces tables. Les serveurs chargés de plateaux semblaient sortir d’un peu n’ importe où et le coté sanitaire de la chose était probablement très aléatoires, pourtant tout paraissait très propres et était excellent. Il régnait dans cette rue toute la nuit une activité incroyable, des serveurs couraient de table en table amenant nourriture et une quantité impressionnante de bière et autres boissons alcoolisées. Les langues les plus parlé était le chinois et l’anglais, mais il me semble que tous les langages de la planète se croisaient et se mélangeait par-dessus les tables. Le brouhaha était en fait une masse presque solide. La majorité des clients était des touristes, des marins, des soldats et aussi quelques habitants de Singapour venue ici eux aussi je pense, à la recherche de dépaysement. L’ivresse était un peu partout et des chansons éclataient ça et là, la foule était en mouvement permanent et la bousculade relativement bon enfant. D’ailleurs avec le recul, je me demande encore comment et pourquoi il n’y avait pas davantage de bagarres. Tout autour de la rue, plusieurs night-clubs ajoutaient encore a la cacophonie, à proximité dans quelques rues un peu plus sombres des prostitués gagnaient leur vie. À cela bien sûr, il nous faut ajouter ce qui était en fait une des principales attractions de la rue, “Les travesties”. En effet, chaque soir a la tombée de la nuit, apparaissait au milieu de la cohue un nombre relativement important de filles magnifiques et admirablement habillées, tout un chacun savait bien sûr que ces très très jolies filles étaient en réalité des hommes travestis. Certains se livraient a la prostitution, d’autres semblaient se contenter de se faire admirer ou vendaient leurs photos, d’autres se laissaient photographier en compagnie des touristes ou marins. Bref ces travesties, toutes magnifiques étaient partie importante du décor et Bugis street n’aurait pas était Bugis stress sans leur présence,
     Ce soir-là, j’avais décidé de commencer ma soirée a Bugis street, comme je faisais presque chaque soir. La rue était noire de monde, mais j’avais eu la chance de dénicher dans un coin, sous un arbre ce qui était peut-être la dernière table libre. Je m’étais installé, un serveur était apparu et j’avais commandé une bière et un plat de cuisses de grenouille et j’attendais tranquillement mon repas en sirotant ma bière et en observant la cohue tout autour de moi. La soirée était chaude et moite, la rue semblait encore plus vivante que d’habitude, la bière était glacée et j’essayais de profiter au maximum du moment. Un peu plus tard, je remarquais au milieu des tables un jeune homme d’environ 20 ou 25 ans qui cherchait désespérément une table libre. Il y avait a ma table une chaise vide, il avait une bonne tête et je n’ai jamais rien eu contre un peu de compagnie, j’accrochais son regard et d’un geste je l’invitais a se joindre a moi. Très heureux il s’approcha, se présentant tout en s’asseyant, il s’appelait Willie, était marin dans la marine Australienne, son bateau faisait escale a Singapour et ce soir il avait décidé de sortir seul en civil plutôt que de participer a la traditionnelle virée de la bande de marins touchant terre. Il commanda aussi bière et repas et très vite malgré le brouhaha, nous firent connaissance, échangeant souvenirs de voyage et autres histoires plus ou moins intéressantes. Plusieurs bières plus tard nous étions les meilleurs amis du monde. Notre repas terminé, Willie suggéra de nous rendre dans un bar du port connu sous le nom de “Papillon Bleu” ou il avait entendu dire que l’ambiance était très bonne, la bière très fraîche et les filles très jolies et très amicales. La nuit était jeune, j’étais là pour découvrir Singapour alors pourquoi pas, il paya le taxi et moi la première tournée.
     Le bar était somme toute plutôt décevant, une salle immense et une terrasse recouverte de végétation exotique, un juke-box qui déversait la musique habituelle, une mini-piste de danse et deux tables de Billard, le tout coincé entre deux entrepôts, pas très loin de la mer. Étant très proche de la mer il devait être parfois plein a craquer de marins n‘ayant pas le temps d‘aller faire un tour vers la ville, mais ce soir-là il était presque vide et triste a pleuré. Une demi-douzaine de dockers chinois tournaient autour des billards, commentant une partie qui opposait deux d’entre eux. Un peu partout, attendant un client des filles très court vêtues discutaient sans entrain, plusieurs étaient venues nous offrir leur compagnie, mais nous avions déjà décidé que sitôt notre bière finie nous irions chercher fortune ailleurs et nous avions refusé.                 
     Willie décida d’aller jouer une partie de billard avec le chinois qui venait de gagner la partie, pour rendre la chose un peu plus intéressante, ils se mirent d’accord sur un pari de 1 ou 2 dollars. Willie perdit et pour une raison que j'ignore encore, refusa de payer le dollar qu’il avait perdu, accusant le chinois d’avoir triché. Je ne pense pas que son adversaire est triché, je pense que le seul problème était que Willie avait consommé un peu trop de bière. Quoi qu’il en soit le ton monta, je jurais en silence n’ayant pas du tout envie de me trouver mêlé a une bagarre et j’essayais de convaincre Willie de laisser tomber. Il s’entêta, les deux joueurs étaient maintenant face à face, chacun cramponné a sa queue de billard qu’ils brandissaient comme une arme, les autres dockers s’étaient rapprochés, près a prêté main-forte a leur collègue. L’un d’entre eux se glissa derrière Willie et saisissant une bouteille de bière vide se rapprocha avec l’intention évidente de le frapper par surprise. L’espace d’un instant, je me dis qu’après tout ceci n’était pas ma bagarre, après tout je connaissais à peine Willie, nous étions deux, ils étaient six et n’avaient pas du tout l’air de plaisantins. Mais, poussé par je ne sais quoi de chevaleresque et stupide, je quittais mon siège et me saisit de la main qui tenait la bouteille de bière demandant calmement au docker de laisser les deux adversaires se débrouiller entre eux. Il n’apprécia pas du tout mon intervention et me jeta un regard méchant. Pendant une seconde Willie avait regardé dans notre direction, profitant de la seconde d’inattention de Willie, son adversaire le frappa violemment a la tête avec la queue de billard. Le sang commença a coulé et Willie sembla près a s’écrouler, mais parvint a rester debout regardant son ennemi avec stupeur. Les quatre autres dockers s’avançaient maintenant se saisissant au passage de bouteilles vides, la situation paraissait désespérée. À ce moment, la porte du bar s’ouvrit bruyamment poussée par une dizaine de marins australiens en uniforme, a leur vu Willie retrouva en une seconde tous ses esprits et hurla 
     “Oh Mates … to the rescue’’
     L’accent australien était vraiment très facilement reconnaissable dans cet appel à l’aide, les marins bien sûr le reconnurent. Ils ne savaient pas qui nous étions, mais je pense qu'ils assumèrent que nous étions deux marins australiens en civil, il était facile de voir que nous étions dans une situation embarrassante, ils s’avancèrent tranquillement dans notre direction avec le calme de ceux qui savent que leur nombre leur donne la force. Les dockers reposèrent les bouteilles qu’ils tenaient à la main, celui qui tenait la queue de billard la reposa lentement sur la table, je lâchai la main de mon adversaire qui fut le premier à trouver la porte de derrière, suivi très bientôt par les autres.
     Willie paya deux ou trois tournées à tout le monde, je traînais encore un peu au Papillon Bleu, puis je sautais dans un taxi et je rentrais à mon hôtel de bonne heure, en me promettant UNE FOIS DE PLUS, de rester loin des marins en bordee

                                Les bourrins et moi
     Bien sûr j'aurais pu dire "les chevaux et moi" mais non, compte tenu des circonstances, je resterais avec ce titre, "les bourrins et moi" parce que la vraiment, si ces sales bêtes n'ont pas réussi a avoir ma peau ce n'est certainement pas faute d'avoir essayé.
     Aussi loin que je me souviens j'ai eu pour ces animaux une attraction maladive. Peut-être parce que la plupart des héros de mon enfance semblaient constamment en chevaucher un, les cow-boys, les Zorros, les mousquetaires, les chevaliers, les aventuriers, les Mongols ou les barbares des bandes dessinées que je dévorais a l'époque avaient tous un canasson formidable. Aussi rapide que le vent et aussi fidèle qu'un chien, ils pouvaient toujours compter sur leur cheval, aux moments les plus difficiles de leur vie ... leur cheval était toujours là, ou il fallait quand il fallait, etc.
     Donc dans l'espoir de les imiter, je rêvais moi aussi d'avoir un cheval, chose qui était évidemment absolument impossible dans mon enfance, j'avais donc repoussé le rêve a plus tard et m'étais promis que un jour.
     Bien des années plus tard, je me retrouvais en Australie et je découvris que dans ce  pays le cheval n'était absolument pas le luxe inabordable qu'il était en France. Il était possible de trouver à proximité des villes, de grands ranchs offrant a des prix très raisonnables des locations a la journée ou la demi-journée. En compagnie de quelques amis, je commençais donc au début les années soixante-dix à visiter ces ranchs et à louer des chevaux afin de faire les longues balades dans la campagne et les bois qui entouraient Perth au Western Australia. Il eut, probablement été une bonne idée, de m'adresser tout d'abord à un club ou une école et d'y apprendre deux ou trois trucs de cavalier, mais la chose ne me semblait pas si difficile et bien sûr je ne perdis pas mon temps à ce genre de détails.
     Lors de ma première visite dans un de ces ranchs, le propriétaire ayant deviné sans doute mon manque d'expérience me confia une vieille jument d'un calme olympien sur le dos de laquelle je passais un des après-midi le plus ennuyeux de ma vie. En fonction de quoi, lors de ma seconde visite je lui réclamais un animal ayant un peu plus de vie. Il me présenta un tout petit cheval ressemblant étrangement a une barrique sur quatre allumettes, ce qui bien sûr me porta a rire. Il m'assura que malgré son allure un peu malingre cet animal était plein de vie et me donnerais entièrement satisfaction. Au début, à travers une immense prairie, tout ce passa très bien, je marchais, je trottais et même m'offrit un peu de galop, puis plein de confidence, je me dirigeais vers un petit bois ou je découvris le vrai caractère de mon "barricot ambulant". Dès que nous furent dans le bois la bête partie au galop, choisissant avec beaucoup d'attention les arbres aux branches basses sous lesquels il se précipitait. Au début, je réussis a éviter ces branches, mais bien sûr, a long terme, je n'avais aucune chance et très vite je reçus une gifle monumentale qui m'envoya au sol. Le stupide bourricot continua sans moi, par chance je n'avais rien de cassé et je rentrais a pied.
     Il en fallait plus pour que j'abandonne et durant les semaines suivantes je consacrais tous mes samedis après-midi a maîtriser mon nouvel hobby, sans vraiment beaucoup de succès je dois l'avouer, puisqu’il me semble me rappeler que chaque samedi m'amenait une nouvelle catastrophe, un coup de pied, une chute, un sabot m'écrasant les orteils ou je ne sais quoi d'autre. Néanmoins, je persévérais et c’est ainsi que un samedi je passais quelques deux heures de ballade agréable sur une excellente monture, malheureusement, lorsque je m'arrêtais et descendis pour uriner, la sale bête en profita pour s'enfuir et une fois de plus je rentrais a pied. Une autre fois je chevauchais tranquillement une bête qui semblait m'avoir accepté, mais vers 3 heures de l'après-midi elle décida qu'il était l'heure de rentrer. Bien sûr j'essayais de lui imposer mon désir de continuer, ce qui me valut une ruade qui m'envoya au sol, là encore par chance sans casse. Semblant se moquer de moi l'animal me regardait de loin, un de mes amis rattrapa le stupide animal, je réussis même a remonté sur son dos, mais sa décision était prise, je n'insistais pas et je le laissais rentrer a l'étable de bonne heure ce qui somme toute valait mieux que de rentrer a pied. Bref quelques deux mois et une bonne demi-douzaine de chutes plus tard, je me fatiguais de louer un cheval pour finalement faire de la marche a pied et je décidais qu'il était peut être tout aussi intelligent de passer mes après-midi sur la plage, et donc j'oubliais complètement les chevaux pour très longtemps.
     Deux ou trois ans plus tard, je fus inviter a passer un week-end dans un ranch près de Geralton, le coin était magnifique, vallées, collines, prairies, verdures, etc,. Le propriétaire du ranch avait trois enfants, qui tous chevauchaient presque journellement. Bien sûr il y avait des chevaux partout et Jacky, le fils ainé de 13 ans m'offrit d'aller faire un tour, je n'avais pas trop d'enthousiasme pour la chose gardant encore en tête le souvenir de mes expériences passées, mais Jacky insista, me proposant son propre cheval qui était, promit il on ne peut plus calme. Je ne pouvais pas refuser, Jacky m'aida a monter en selle et s'éloigna afin de choisir une autre monture pour lui-même afin de m'accompagner. Déjà mon cheval partait au pas à travers une immense prairie qui semblait s'étendre à perte de vue, je le laissais faire, confident que cette fois tout se passerait bien et que Jacky me rattraperait rapidement. Quelques minutes plus tard, l'animal se mit a trotter et presque aussitôt après, sans que je ne lui demande rien il décida de s'offrir un petit galop calme, je le laissais complètement libre de choisir sa cadence. Nous étions dans une prairie immense, absolument aucun danger, je voyais a des kilomètres a la ronde et je n'étais pas fâché de m'offrir enfin un vrai galop comme dans les bandes dessinées de mon enfance.
     Au début tout alla très bien, je me prenais au jeu, je me couchais sur l'encolure et je l'encourageais même a donner tout ce qu'il avait, je savais que Jacky me retrouverait sans problème et je me disais qu’une fois fatiguée la bête n'en serait que plus facile a guider. C'est a ce moment-là que pour une raison inconnue, le stupide bourrin décida de virer complètement sur la gauche sans ralentir sa cadence, je ne m'attendais pas a la chose, la vitesse me balança sur la droite, je perdis l'équilibre et je fus éjecté de la selle avant même d'avoir compris ce qui se passait. Mon pied gauche perdit l'étrier gauche et je volais vers le sol ou j'atterris avec force, malheureusement mon pied droit était toujours dans l'étrier droit et l'infernal animal me traînait comme une poupée désarticulée. J'eus à peine le temps d'avoir peur, de prier ou de crier, par chance la prairie était bien plate, la végétation était haute et humide et je glissais sur les herbes. Je pense que cela ne dura que quelques secondes, mais pourtant la chose me parut durer un temps interminable, soudain mon pied se libéra et je restais étendu sur le dos dans l'herbe essayant de retrouver mes esprits. Le bruit de galop s'éloigna pour un temps très court avant de revenir vers moi, en une seconde j'étais debout, et Là devant moi, aussi  haut qu'une montagne le cheval revenait semblant vouloir me piétiner, j'écartais les bras en hurlant, la sale bête se cabra et j'eus l'impression que ses sabots n'étaient qu’a quelques centimètres de mon visage. Un coup de sifflet strident retentit dans la prairie, c'était Jacky qui arrivait au grand galop et qui rappelait sa bête, le cheval reconnut le sifflet, hésita un instant, arrêta de se cabrer, sembla se calmer et s'éloigna définitivement de moi. Jacky le rattrapa, revint vers moi, m'offrit de remonter en selle, je refusais avec une énergie farouche, heureux d'être encore capable de marcher et durant ma longue marche vers les bâtiments du ranch j'eus largement le temps de réfléchir a la chose et de me jurer une fois pour toutes que jamais, jamais, jamais je ne toucherais a un cheval .... et j’ai tenu promesse depuis

                                                   Le légionnaire
     Fin des années soixante-dix, j'avais décidé de compléter ma formation professionnelle et j'avais rejoint pour un an le centre d'apprentissage pour adulte d'Égletons, d'où je sortis en 1978 avec en main un très joli diplôme de mécanicien engins de travaux publics.
     Avant même d'avoir quitté l'école j'avais envoyé une multitude de Curriculum vitae, dans de nombreuses boites travaillant a l'étranger. Je pense que ma pratique courante de l'anglais et mon expérience en Australie fut un gros plus, car je reçus plusieurs réponses positives ce qui me laissa le choix de mon futur emploi. Après beaucoup d'hésitation je choisis la "Compagnie Générale de Géophysique" une compagnie de recherche pétrolière, car c'était tout simplement la boite qui semblait offrir le plus de déplacements possible dans le monde. Je passais un petit mois en France, puis je fus expédié vers les États-Unis ou la compagnie était en pleine expansion. Là, je fis la connaissance de Francis qui devait devenir pour deux mois mon chef et mon mentor et qui m'enseigna le plus rapidement possible tous les secrets de machines dont j'ignorais même l'existence 3 mois plus tôt. Je ne veux bien sûr pas m'étendre sur ces machines infernales, car elles n'ont finalement pas grand-chose a voir avec ce qui nous occupe aujourd'hui. Disons qu'il s'agissait d'espèce d'énormes tracteurs a quatre roues motrices, au centre de ces énormes machines une masse métallique de quelques 3 tonnes, contrôlées par tout un système d'hydraulique et d'électronique, se mettait en vibration et envoyait dans le sol une vibration calibrée. Cette vibration voyageait à travers les différentes couches du sou sol a un certain angle et une certaine vitesse, puis remontait vers la surface ou elle était enregistrée par tout un système de sismographes qui fournissait a un laboratoire électronique des informations permettant au petit génie de la sismique de deviner la nature du sous-sol et d'essayer de deviner s’il y avait la chance de pétrole ou non.
     Bref, ces machines étaient tout de même très nouvelles pour moi et plutôt compliquées et j'avais beaucoup de peine a en apprendre tous les secrets. Quoi qu'il en soit, à peine deux mois plus tard Francis quittait les États-Unis, me souhaitait bonne chance et je me retrouvais en charge de cinq vibrateurs, plus bien sûr de leurs chauffeurs, d'une douzaine de camionnettes et quatre ou cinq camions.
     À peine sorti de mon école trois mois plus tôt, j'étais loin d'être qualifié pour occuper cette position. Je ne connaissais pas les machines et n'avait jamais était en charge d'une équipe, mais la boite était a cours de personnel et n'avait pas hésité a me confier la position. Je décidais de m'accrocher au maximum et je m'aperçus que somme toute, je ne me débrouillais pas trop mal. Du point de vue mécanique, je compensais mon manque de connaissances en faisant un nombre d'heures incalculables et j'arrivais à maintenir mon matériel en état de marche. Je n'avais pas non plus d'expérience de chef d'équipe et je découvris très vite qu’être le chef n'est pas aussi facile que cela peut le paraître.
     Les Américains sont traditionnellement très indépendants et dans le meilleur des mondes ressentiront presque toujours de recevoir des ordres. De plus, ils n'ont absolument aucun doute quand a la supériorité de leur pays et donc ont naturellement tendance a croire a leur supériorité personnelle. J'appris très vite que tout américain ressentira de recevoir des ordres d'un étranger qu'il considère comme étant son inférieur, mais avec un minimum de précautions et de diplomatie et lorsque l'on aura affaire a un ricain moyennement intelligent la chose ne présentera pas trop de problème.  Si la majorité de mes chauffeurs étaient moyennement intelligent, l'un d'entre eux,  John n'était pas moyennement intelligent, mais plutôt très stupide, quoique convaincu du contraire
     Il était très grand, plus de six pieds, bien bâti avec des épaules de déménageurs, une trentaine d'années, toujours mal rasé, des cheveux très courts, toujours vêtu d'un vieux jeans et d’un vieux T shirt et somme toute plutôt sale. Il était du genre grande gueule et fier a bras et passait son temps a nous raconter sa vie a l'armée dans les fameux Marines et ses combats dans la guerre du Vietnam ou il avait passé soi-disant de nombreuses années. Il faisait son travail correctement, même s’il avait tendance à agacer tout le monde et surtout moi avec ses histoires. Dès le début je sentis que nous n'étions pas faits pour nous entendre, sans un mot, simplement par son attitude il m'avait clairement fait sentir qu’un Frenchy n'avait pas a lui donner d'ordres,. J'essayais donc de ne pas m'adresser a lui directement et de l'inclure dans les ordres que je donnais a tout le monde, mais évidemment il arrivait parfois que je doive m'adresser directement a lui.
     La cabine de sa machine était dans un état lamentable, sale, boueuse, pleine de papiers, d'ordures et même de boites de Coca Cola vides. Je lui en fis le reproche et j’exigeais qu'il la nettoie, mais je commis l'erreur de lui faire ce reproche en public. Il aurait peut-être put accepter cet ordre en privé, mais le fait que tous ses camarades m'entendent était pour lui une attaque, il grommela des insultes, fit semblant de ramasser quelques papiers et boites vides montrant clairement qu'il ne m'obéissait pas vraiment. Je compris que la mini-guerre était commencée. À partir de là, la situation se dégrada chaque jour, il obéissait bien sûr, mais cherchait constamment quelques raisons pour réclamer, contester, perdre du temps et semer la pagaille dans l'équipe, grommelant sans cesse et murmurant à mi-voix une multitude d'insultes. Je feignais de ne rien voir et de ne rien entendre, mais l'atmosphère dans l'équipe devenait malsaine. John était persuadé et avait persuadé tout le monde que j'avais peur de lui et que je me dégonflais devant son arrogance et ses bravades d'ancien Marine et d'ancien du Viet Nam.
     Je le laissais faire aussi longtemps que je pus, il devenait de plus en plus bravache et ne murmurait plus, mais lançais a haute voix ses insultes. Je ne pouvais plus l'ignorer et un jour qu'il avait parlé un peu trop fort devant toute l'équipe je fus bien obligé de le contrer.
     "Okay John, assez c'est assez, tu as le droit de ne pas aimer ma gueule, de ne pas aimer mes ordres et de haïr la compagnie, mais viens un moment où il faut te décider. Ou bien tu t'écrases, tu fais ton boulot et tu fermes ta gueule ou bien tu te casses, vu que moi je n’ai pas trop l'intention de passer le reste de ma vie a me faire insulter"
     Il fut un peu surpris par ma remarque, à force de me voir ne rien faire et ne rien dire il s'était convaincu de sa supériorité physique. Il était sûr que j'étais terrorisé et il ne s'attendait pas à me voir lui faire front devant tous ses camarades. Bien sûr il ne pouvait pas perdre la face et il se rebella
     "Ah oui et qu'est-ce que tu as l'intention de faire a ce sujet "
     "Somme toute c'est très simple, ou bien tu t'écrases, tu fais ton boulot, t'arrêtes de râler et de m'insulter ou bien je te vide" 
     "Ah oui, et tu as l'intention de faire ça tout seul"
     "Non pas vraiment, je serais obligé de demander a la secrétaire de te faire ton chèque, mais pour le reste, je n'ai besoin de personne"
     Mes paroles l'avaient vraiment déstabilisé, le mec qu'il croyait être mort de peur lui tenait calmement tête, le reste de l'équipe nous regardait et écoutait et semblait se  posait quelques questions. Il lui fallait donc reprendre le contrôle de la situation et il se lança dans une tirade violente dont bien sûr je me souviens plus mot pour mot, mais qui était à peu près comme suis.
     " Écoute-moi bien franchouillard de merde, j'ai dix ans de Marine derrière moi et des années au Viet Nam ou je me suis fait tirer sur la gueule et ou j'ai bousillé du Viet pour défendre ma liberté et la liberté de ce pays. Après avoir fait tout ça, tu ne t'imagines pas tout de même que je vais laisser un connard d'étranger venir me gonfler dans mon propre pays, alors je te préviens, tu te casses, tu fous le camp, t'arrêtes de m'emmerder, tu me lâches, parce que sinon, je te massacre, tu entends je te massacre a coup de bottes, si tu ne sais pas ce qu'est un Marine, tu vas le voir "
     Je le laissais s'égosiller, il soufflait comme un malade, semblant faire des efforts surhumains pour se contrôler. J'étais devant lui, les jambes légèrement écartés, les bras ballant le long du corps, je n'avais pas vraiment peur, mais j'étais conscient qu'il me fallait être très prudent. Il était probablement plus fort que moi, je ne pouvais pas compter sur une bagarre loyale, mais à tort ou à raison je m'étais convaincu qu'il était plein de vent et qu'il n'oserait pas commencer une bagarre, mais une chose était sûr, j'étais près a me défendre, mais je ne frapperais pas le premier. Dès qu'il s'arrêta de gueuler, je le regardais et tranquillement je laissais tomber 
     " Voilà une affaire qui risque d'être intéressante, si moi je vais voir ce qu'est un vrai Marine, toi tu vas découvrir ce qu'est un vrai Légionnaire"
     Je n'étais pas aux États unis depuis longtemps, mais il est une chose que j'avais déjà découverte, la grande majorité des Américains ignorent complètement histoire et géographie. Ils connaissent un peu l'Angleterre, se souviennent de l'Allemagne, de la dernière guerre et du débarquement de Normandie, mais n'ont que des idées assez vagues sur l'Europe, la chose ne les intéresse tout simplement pas. De la France la plupart ne connaissent que Paris, la tour Eiffel et l'Arc de triomphe, mais tous ou presque tous ont entendus parler de la Légion étrangère. Probablement parce que Hollywood en a fait de nombreux films et presque tous savent que les légionnaires sont une force militaire redoutable et que donc un légionnaire sait se battre. En faisant cette simple remarque a John, je lui avais tout simplement fait croire que j'étais un ancien légionnaire (ce qui bien sur etait faux) probablement capable de contrer un Marine, et je vis immédiatement que la chose ne lui plaisait pas du tout. Il bougonna que Légionnaire ou pas, il aller me casser en deux, puis il se retourna vers sa machine et ceci régla la chose pour la journée.
     Durant les quelques jours suivants la situation fut plutôt tendue dans l'équipe, mais rien ne se passa. Nous étions fin juin et le chef d'équipe annonça que pour célébrer la fête nationale américaine du quatre juillet, la compagnie invitait toute l'équipe a un barbecue le samedi suivant. John sauta sur l'occasion pour annoncer a tout le monde que le quatre juillet il allait offrir a l'équipe le feu d'artifice du siècle et que ce serait moi qui fournirait les étincelles. Il jurait a qui voulait l'entendre que le frenchy allait en prendre plein la gueule et qu'il allait me régler mon compte une bonne fois pour toute. Bien sûr j'entendis parler de sa fanfaronnade, je m'imaginais sans problème qu'il chercherait dans la bière le courage qui lui manquait et j'étais sûr que une fois intoxiqué il était capable de mettre sa menace a exécution et a venir me chercher. Je me promis de rester le plus sobre possible et de l'attendre, sachant que ma sobriété serait un énorme avantage contre un Marine a moitié ivre.
     Le samedi matin, j'embauchais normalement et j'eux la surprise de voir Timothy, un manœuvre qui partageait une chambre a l'hôtel avec John, me contacter a la première heure. Il m'expliqua qu’hier au soir, John avait reçu un coup de téléphone et que dut a de très sérieux problèmes familiaux il avait dû partir immédiatement. Timothy me remis un papier sur lequel était écrite l'adresse de John, me demandant de bien vouloir lui expédier son dernier chèque a ladite adresse, il ajouta même que John regrettait vraiment de devoir quitter sans m'avoir donné le préavis habituel, mais il me demandait de comprendre que la famille bien sûr passait avant tout.
     Je compris bien sur très bien, je compris surtout que je ne m'étais pas trompé sur le caractère de John, qu'il n'était qu'un fanfaron qui apparemment se dégonflait, j'avoue que la chose ne me déplaisait pas du tout. Je n'avais absolument pas envie de l'affronter, je demandais a la secrétaire de lui envoyer son chèque en entier et ce soir-là je profitais pleinement du barbecue. Je bus toute la soirée a la santé de la Légion étrangère qui  m'avait rendu, sans le savoir bien sûr, un très grand service  

                                               Le taxi de New York 
     Nul ne peut vivre aux États-Unis pour une période plus ou moins longue sans aller faire un tour à New York. Je ne suis pas particulièrement amoureux des grandes villes, mais il en ait certaines que tout un chacun doit visiter et New York étant une des plus grandes villes du monde ou du moins une des plus peuplées faisait donc partie de ces villes qu'il me fallait voir.
     Fin 1979, j'avais rendu visite a un vieux copain qui vivait a Boston, de là j'avais fait un tour vers les chutes du Niagara, puis j'étais passé au Canada ou j'avais visité Québec et admiré les couleurs changeantes des immenses forêts d'érables a l'automne. J'étais de retour à Boston et j'avais encore près d'une semaine de vacances, je décidais donc de m'embarquer sur un des bus Greyhound et d'aller voir New York.
     Je ne sais si les choses ont changé depuis, mais il y a quelques 30 ans la compagnie des Bus Greyhound était aux États-Unis ce que la SNCF était a la France. Il n'y avait pas une ville dans tout le pays qui n'avait pas sa station Greyhound, des milliers de bus sillonnaient le pays nuit et jour transportant a un prix très raisonnables des centaines de milliers de passagers. Dans les grandes villes ces stations étaient de véritables mini villes ou les voyageurs trouvaient restaurant, bar, hôtel, douches, etc. Malheureusement ces stations se trouvaient très souvent dans la partie malfamée de la ville et avait la réputation de servir tout autant aux voyous, aux sans-abris, aux dealers de drogue qu’aux passagers    
     La station Greyhound a New York était immense, bruyante, sombre, sale, encombrée d'une multitude de voyageurs de toutes races et de toutes couleurs, se bousculant, s'accostant et s'interpellant en une douzaine de langages. Je m'étais endormi dans le bus et je me réveillais lorsque qu'il s'arrêta et que les autres passagers commencèrent a descendre. A peine réveillé, ma première impression fut affreuse, l'espace d'un instant je me demandais ou j'étais et ce que j'étais venu faire ici. Je ne pouvais m'empêcher de penser a tout ce que j'avais entendu dire sur la ville de New York et son insécurité et je dois avouer que je ne me sentais pas trop sûr de moi. 
     Je n'avais qu'un léger bagage et je me dirigeais au hasard vers une sortie, je ne me souviens plus du tout dans quelle rue ou quelle avenue je me trouvais, mais je n'étais pas dans le New York des cartes postales, mais plutôt dans le New York sordide.
      Immédiatement je ressentis une impression d'écrasement, nous étions au début de l'après-midi, le temps était couvert et les hauts bâtiments ne permettaient pas a la lumière d'atteindre vraiment le fond de cette rue grise et sale. Je n'étais pas dans une rue commerciale, mais plutôt dans une zone habitée populaire, la circulation était intense, de chaque côté de la rue des genres de HLM décrépis ajoutaient encore à la tristesse du quartier. Devant les portes, aux coins des rues se tenaient un grand nombre de jeunes désœuvrés, et qui ne semblaient n'avoir rien d'autre à faire qu'à m'observer avec curiosité et "un je ne sais quoi d'autre dans le regard". La majorité des passants se déplaçait rapidement, allant ou ils avaient a faire sans perdre de temps a regarder à droite à gauche, évitant avec précautions les groupes de jeunes, comme pressé de sortir de cette rue somme toute inquiétante. Je me maudissais d'être trop bien habillé et de ne pas porter seulement un vieux jeans et un Tshirt. Je me baladais avec deux ou trois appareils photo dans une sacoche de cuir que j'aurais voulu pouvoir camoufler, mais mon petit sac de voyage était déjà bourré a craquer. J'ignore si c'était la réputation de New York en tant que ville dangereuse qui me jouait sur les nerfs ou si la rue était vraiment dangereuse, mais je me sentais vraiment inconfortable. J'ignorais complètement vers ou me diriger pour trouver une rue plus rassurante, j'aurais dû retourner vers la station et trouver une autre sortie, mais j'avais hésité a le faire et je m'étais déjà trop enfoncé dans cette rue douteuse.
     À ce moment-là une énorme voiture jaune s'arrêta a ma hauteur, c'était un des fameux taxis New Yorkais, le chauffeur avait dû, je pense remarquer que je ne faisais pas vraiment partie du paysage dans cette rue avec mon petit sac trop neuf, ma sacoche photo, mon blouson en peau de daim et mes allures de touriste un peu paumé.
     "Hey Bourgeois, besoin d'un taxi ?"
     Jamais de ma vie je ne fus aussi heureux de voir un taxi, je m'engouffrais à l'intérieur, lui demandant de m'emmener dans un hôtel, n'importe quel hôtel, mais loin d'ici   
 
                                 Le petit chinois
     Il parait que les choses ont beaucoup changées, mais il y a une vingtaine d'années la Chine était probablement un des endroits les plus surs de la planète. La police était extrêmement stricte et n'hésitait pas s’il y avait quelques problèmes à utiliser bâton ou même revolver. Lorsqu'un citoyen était arrêté, le jugement tombait très vite et la sentence était exécutée tout aussi vite. En fonction de quoi nul ne craignait voyous, voleurs ou autres escrocs dans le pays du soleil levant, par contre beaucoup craignaient la police qui bien sûr, dotée de pouvoirs presque illimités commettait parfois de terribles injustices.
     Durant les quelques deux ans que je passais en Chine, je profitais pleinement de cette sécurité toujours présente et je n'hésitais jamais lorsque quelque chose m'attirait a aller le visiter ou le voir. Je traînais sans vergogne dans les coins les plus reculés des campagnes. Je me baladais au milieu des marchés les plus encombrés. Je n'hésitais pas a accompagné quelques camarades qui m'invitaient a déguster les excellentes Kebab servis toute la nuit dans le quartier Wigours. J'entrais sans hésitation dans bars ou restaurants des quelconques quartiers de la ville. Je me conduisais toujours correctement bien sûr, mais je dois dire que toujours et partout je fus très bien reçu et que jamais je ne me sentis en danger et je dois dire que c'est la une chose plutôt rare dans les pays étrangers ou très souvent l'étranger imprudent deviendra la victime favorite des mauvais garçons locau
     Un des problèmes, lorsque l'on vit dans un pays ou la sécurité est presque parfaite est que tout un chacun a tendance a oublié d'être prudent et qu'il deviendra donc une proie facile pour le voyou occasionnel et c'est cela bien sûr qui failli m'arriver et qui aurait plutôt mal se terminer.
      Je voyageais en compagnie d'Alain, un technicien travaillant avec moi, qui était totalement amoureux de la Chine. Il avait participé pendant deux ans au premier contrat que la boite avait décroché en 80 et s'était porté volontaire pour revenir au second contrat en 85 et 6. Ce jour-là nous étions tous les deux à Pékin pour la journée en attente d'un avion qui devait nous ramener en France pour un mois de vacances, nous avions un peu de temps et bien sûr je désirais voir la ville. Alain connaissait beaucoup mieux le pays et proposa 
      "Okay, t'as le choix, on peut se faire une excursion vers la grande muraille, il y en a pour la journée, ce n'est pas trop cher et ça vaut quand même le coup. Deuxième option on peut rester ici a Pékin et se visiter les coins a touristes, il n'y a pas mal de trucs a voir, et après si tu veux on peut aller traîner sur un marché ou quelques magasins de souvenirs. Ce que je te suggère et qui a mon avis est le mieux, c'est de se prendre un taxi a l'hôtel vers 9 heures du matin, on se fait déposer dans le vieux Pékin, on marche deux ou trois heures dans la vieille ville et la tu peux voir la vraie Chine d'aujourd'hui et après ça on visite la cite interdite et on revient a l'hôtel le soir, comme ça tu as vu la vraie Chine, le palais impérial et tu n’as pas perdu ta journée a voir des trucs a la con"
     "C'est toi l'ancien, c'est toi qui connait, je te fais confiance, vieux Pékin, balade a pied et la cité pour terminer "
     Donc, des 9 heures du matin nous étions dans les rues super encombrées de Pékin, je suivais Alain à travers une multitude de rues plus ou moins vieilles, plus ou moins propres et plus ou moins typiques, mais au moins comme il disait là on voyait la vraie Chine. Il me montrait quelques trucs intéressants ou curieux et inhabituels, vers midi nous avions mangé dans un restaurant on ne peut plus local une nourriture excellente et extrêmement bonne marché et vers deux heures de l'après-midi nous étions à proximité de la cite interdite, l'ancien palais de l'empereur, maintenant transforme en Musée et complètement envahie par des touristes du monde entier.,
     Nous sortions d'une petite rue étroite et nous étions près a entrer sur l'immense esplanade qui entoure la cite interdite, il faisait chaud et je portais négligemment ma veste a bout de bras. Un gamin de quelque douze ans venant de la cité interdite se dirigeait vers nous, lorsqu'il fut a ma hauteur, il se saisit de ma veste, donnant un coup très sec il me l'arrachât de la main et partit dans la ruelle que nous étions en train de quitter courant vers la vieille ville. Ma réaction fut instantanée, moins d'une seconde plus tard, j'étais a sa poursuite, il ne semblait pas courir très vite et regardait derrière lui, je n'avais aucun doute, j'allais le rattraper et récupérer ma veste. J'avais à peine fait dix pas que la main de Alain me saisit à l'épaule et avec une force que je ne lui connaissais pas, il me retint en gueulant
     "Arrête, arrête-toi "
     " Pas question il a ma veste "
     " Arrête-toi, je te dis, c'est un piège, tu vas te faire casser la gueule "
     Finalement son avertissement atteignit mon cerveau, de toute façon vu la manière dont il me retenait je ne pouvais pas courir vite et le gamin avait maintenant disparut
     " Bon okay, va s'y explique, un piège, quel piège, le môme était seul et pas bien grand en plus, je ne pouvais que le rattraper''
     " Ça tu vois, c'est le piège classique ici, il y a tellement de polices que personne ne se méfie surtout dans les coins a touriste ou tu as autant de flics que de touristes. Le môme attend dans un coin tranquille, loin des gardiens, il t'arrache ta veste, ton sac, n'importe quoi il s'en fou. Puis il se sauve en courant, mais pas trop vite, le but du jeu c'est que tu le poursuives. Il s'en va vers les ruelles de la vieille ville, il tourne dans une petite rue ou une demi-douzaine de ses copains t'attendent et te casse la gueule. Ils font très vite, en quelques secondes tu es a poil et a moitié mort. Lui en gros il ne risque rien, car les flics sont loin, autour du truc touristique. Tu as eu du pot que j'ai pu te rattraper, sinon à l'heure qu'il est tu serais KO, étalé sur le bitume, la police ne peut pas faire grand-chose, ce sont la plupart du temps des gosses et ils changent sans arrêt de coin, impossible de les trouver, c'est un truc un peu nouveau, mais il y en a de plus en plus"
     La dessus, Alain m'entraîna vers la cite interdite et ses musées, je n'avais perdu que la veste, finalement pas très grave. Comme je m'éloignais de la vieille ville, je me retournais et là-bas, loin derrière, dans la ruelle je crus voir une demi-douzaine de gamins qui nous regardaient nous éloigner, mais à vrai dire je ne suis pas vraiment sur.

                                  La "revolucion"
     En 1993 je travaillais au Mexique depuis près de trois ans, j'avais passé ces trois années en majorité dans le nord du pays sur une équipe lourde, ce qui veut dire gros matériel, vibrateurs, camions, etc.
      Vers le milieu de l'année, j'avais été remplacé sur l'équipe du nord et j'avais été envoyé vers le sud du pays, dans une région sauvage et montagneuse, presque à la frontière du Guatemala, sur une équipe portable. Les conditions de travail étaient complètement différentes, puisque nous étions dans une zone d'accès très difficiles, avec un minimum de routes et de chemins ou même les véhicules quatre roues motrices n'avaient pas accès. La totalité du matériel était donc du matériel démontable que nous pouvions soit transporter par petit bateau lorsque nous avions accès par rivière ou tout simplement en le portant a dos d'homme.
     La région était peuplée en majorité par un peuple descendant des Mayas, les Chapanicos ou habitant du Chiapas, petits, mais extrêmement robustes et travailleurs, capables de marcher en forêt, sur des chemins à peine tracés en portant une charge presque aussi lourde qu'eux. Ces Indiens, bien sûr, formaient la majorité de notre personnel, ils étaient infatigables, acceptaient de vivre dans des camps extrêmement rustiques, se moquaient des intempéries, ne se plaignaient jamais. Leur seule exigence étant une nourriture très abondante, ce qui ne posait absolument aucun problème a la compagnie qui est depuis toujours plutôt généreuse sur ce point ayant compris depuis longtemps qu’une armée marche sur son un estomac.
     L'équipe s'était installée a Ocosingo, une grande ville de la région qui était près de nos opérations, mais même de Ocosingo nous étions parfois très loin de nos équipes perdues dans la montagne et nous devions parfois conduire plus de 2 ou 3 heures et marcher de longues heures justes pour passer un peu de temps avec une équipe. Quoi qu'il en soit, le travail progressait sans trop de problèmes. Le chef de mission avait déniché une vieille bâtisse abandonnée a la limite de la ville, il avait loué ce vieux bâtiment que nous avions baptisé "Le Castillo", une fois retapé nous y avions installé nos bureaux, chambres, ateliers et popotte.
     Ce contrat d'environ un an se présentait assez bien, nous avions du personnel expérimentés, connaissant bien le travail, nous avions le matériel et les fonds nécessaires et tout aurait donc dû se passer sans problèmes. Mais, ce que nul n'avait prévu, c'est que la nuit du premier janvier 1994 allait éclater la "révolution du Chiapas"
     Que dire de cette révolution, tant de choses ont déjà était dite a ce sujet, les "Chapanicos" qui travaillaient pour nous, avait certainement une multitude de raisons de se révolter. Ils vivaient dans une pauvreté extrême, n'ayant pratiquement aucun droit et aucun futur, complètement ignoré par le gouvernement central de Mexico, leur seul moyen de se faire entendre était probablement une attaque a main armée et c'est ce qu'ils firent en cette nuit du 1er janvier 1994.
     La majorité des combattants du mouvement était des jeunes à peine entraînés qui s'étaient imaginé une victoire facile et qui croyaient pouvoir entraîné dans leur mouvement tout le Mexique. En cette nuit fatidique ils prirent le contrôle de plusieurs villes du Chiapas, dont Ocosingo qui fut une des premières villes a tombée, il s'ensuivit une panique indescriptible à travers la ville et l'état du Chiapas, nul ne sachant exactement ce qui se passait.
     Très vite l'armée régulière contre attaqua et repris le contrôle des villes qui était tombées, la chose fit bien sûr pas mal de victimes, surtout du côté des révolutionnaires, mais ne fut pas une de ces révolutions mémorables qui marque la mémoire des hommes.
     Sur le terrain, plusieurs de nos équipes eurent affaire aux révolutionnaires, mais sans trop de dégâts, un de nos camions fut attaqué par des militants désirant s'en emparer, par chance pour notre technicien aucun de ces attaquants ne savaient conduire Il put donc négocier avec eux, ils lui laissèrent décharger tout son matériel électronique très coûteux et dont ils se moquaient et en échange il accepta de les conduire ou ils voulaient, ils tinrent leur promesse et le laissèrent rentrer au Castillo.
     Bien sûr au Castillo, tout le monde était inquiet, au loin on pouvait entendre la fusillade de la contre-attaque de l'armée régulière, beaucoup de peur bien sûre, plusieurs jours a se terrer et a attendre, mais finalement pas grand mal, le Castillo était loin du centre de la bataille.
     Je n'étais plus logé au Castillo depuis près de trois semaines, afin de gagné un peu de temps et d'éviter les interminables voyages sur les routes et les chemins, nous avions construit à proximité de nos équipes un camp secondaire d'où je travaillais en permanence. Ce camp secondaire fut bien sur attaqué par la révolution, mais la majorité de nos employés était aussi des chapanicos, ayant probablement un frère ou un ami parmi les attaquants et ils eurent l'intelligence de ne pas s'entretuer. Au nom de la révolution, les Zapatistas nous prirent la plus grande partie de notre stock de nourriture, plus tout notre stock de chaussures, chemises, pantalons, outils, servant a équipé nos hommes, puis ils disparurent dans la nuit. Il n'y avait cette nuit-là au camp secondaire aucun membre de la classe dirigeante, aucun "homme blanc", ni aucun étranger qui aurait pu en essayant de s'opposer a la révolution, se faire tuer ou brutalisé ce qui somme toute simplifia l‘affaire.
     Quant a moi, j'étais tranquillement a fêter le premier janvier a la maison, j'avais quitté la mission deux jours plus tôt et j'étais en vacances quand a mon remplaçant il n'était pas encore arrivé     

                                    El  Gato
     Ostuacan était une petite bourgade perdue dans les forêts et les montagnes de l'état du Tabasco, dans le sud du Mexique. La ville était construite au fond d'une très jolie vallée et on y accédait en descendant de la montagne par une route pittoresque et incroyablement tortueuse. La route s'arrêtait là et tout visiteur désireux de quitter la ville devait en repartir comme il était venu ce qui faisait que cette route tortueuse et étroite était somme toute très fréquentée. Nos camions empruntaient très souvent cette route et bien sûr, un jour nous eurent un accident, un de nos camions quittant la ville accrocha très sérieusement une camionnette qui descendait. Le choc fut brutal, par chance aucun mort ou blessé, mais d'énorme dégât matériel. Les deux véhicules furent remorqués jusqu'a Villa Hermosa, la grande ville la plus proche et confié aux bons soins d'un carrossier. Conformément aux instructions venues des bureaux de la capital, notre chauffeur fut licencié pour l’exemple, pour encourager les autres a la prudence. Je n'étais pas trop d'accord avec cette procédure, mais les ordres venaient d'en haut et je ne pouvais rien y faire donc, je saluais avec regret mon chauffeur et le laissais partir.
     Deux jours plus tard, je fus accosté par notre administrateur accompagné du chauffeur de la petite camionnette qui avait tamponnée notre camion, il m'expliqua que le chauffeur de la camionnette gagnait sa vie a faire la liaison entre Villa Hermosa et Ostuacan, transportant une multitude de marchandises pour les habitants de la ville. Suite a l'accident, il était privé de camionnette pour environ un mois et donc avait perdu son gagne-pain, en fonction de quoi il venait tout simplement nous demander de l'employer pour un mois, faute de quoi bien sûr il porterait plainte, la chose traînerait, il faudrait un avocat, il faudrait aller au tribunal, etc. Sachant que nous avions a l'époque près de 800 ouvriers sur le terrain, un de plus ou de moins ne ferait pas beaucoup de différence et simplifierait la vie de tout le monde. Le chauffeur était un géant de plus d'un mètre quatre-vingt-dix, il avait une très bonne tête et il n'avait pas l'air de vouloir chercher des ennuis a qui que ce soit, mais plutôt l'air un garçon cherchant a survivre et nourrir sa famille et donc la solution me paraissait somme toute assez simple. Je refusais pour le principe de le prendre comme chauffeur, puisque nous venions de licencier le nôtre, mais je décidais de le garder au garage ou il pourrait aider tout le monde.
     Le lendemain de son arrivé, il souleva presque sans effort une remorque, permettant ainsi a un mecano de changer une roue crevée et gagna sur l'heure le surnom de "El gato" ou "le cric". Il était simpha, plein de bonne volonté, il aidait tout le monde, il chargeait les camions et très vite il fit partie de l'équipe au point où tout le monde se demandait
     "Comment avions-nous pu faire sans lui"
     Tout près du village passait une rivière imprévisible, en ce sens qu'elle était en fonction des pluies, soit un petit cours d'eau innocent, soit un large bras d'eau navigable, soit un torrent infernal et impassible. Une partie de notre travail était de l'autre côté de la rivière et le seul accès était un pont à plus de trente kilomètres de la bourgade, ce qui occasionnait énormément de temps perdu pour parfois expédier de l'autre côté une simple bricole.
     Une de nos équipes travaillant très près du village, mais du mauvais côté de la rivière appela un matin signalant un problème mécanique. Il n'avait pas plu depuis plusieurs jours, la rivière était large a cet endroit, mais des plus calmes, nous avions des gilets de sauvetage, je décidais de partir en compagnie d' El Gato et de traverser la rivière a pied atteignant ainsi notre équipe en moins d'une heure au lieu de l'interminable détour par le pont. Je restais avec l'équipe deux ou trois heures afin de régler quelques problèmes puis nous reprirent le chemin du retour. Il avait dû pleuvoir en amont, car le niveau d'eau avait légèrement montée et il y avait un peu plus de courant. El gato était devant moi et déjà il s'engageait dans la rivière, il avait de l'eau jusqu'a la ceinture, pas de quoi s'inquiétait. Mon gilet de sauvetage n’était pas fermé correctement mais je n’y prêtais aucune attention, je m'avançais dans l'eau, le courant était beaucoup plus fort que quelques heures plus tôt, j'accélérais l'allure désirant sortir de cette rivière rapidement. Mon pied glissa sur quelque galet et avant d'avoir compris je m'étalais complètement dans l'eau, je sentis le courant m'emporter et me rouler. J'essayais de me rattraper et de nager, la trousse a outils attachés a ma ceinture semblait peser des tonnes, je n'avais plus aucun contrôle, j'eus le temps de me maudire de ne pas avoir attaché mon gilet et puis aussi le temps d'avoir très peur et de penser que peut être c’était le bout du chemin.
     Une poigne d'acier avait accroché ma chemise et El Gato me tirait vers le bord, j'étais a quatre pattes, crachant, toussant, vomissant et crachant encore, je me retournais sur le dos, là-haut le soleil brillait, le ciel était bleu, il y avait deux ou trois nuages blancs et moi je revenais a la vie et comme tout le reste de l'équipe je me posais la question
     "Comment avions-nous pu faire sans lui "

                                    Le pick pocket
     J'étais à Lima depuis bientôt 3 semaines, passant la plus grande partie de mon temps dans notre vieil entrepôt à préparer du matériel pour une mission dans la forêt amazonienne. Comme chaque dimanche, j'avais laissé les quatre ouvriers qui travaillaient avec moi débaucher vers trois heures de l'après-midi, ce qui me permettait aussi à moi de rentrer un peu plus tôt. L'entrepôt n'était pas très loin de l'hôtel et je décidais de rentrer a pied, afin de visiter un peu la vieille ville et de traverser une rue piétonnière ou se tenait chaque dimanche un marché très intéressant, un genre de marché aux puces, vide-grenier, surplus militaires, souvenirs, gadgets chinois, etc. ou l'on pouvait trouver absolument tout.
     Je ne cherchais bien sur rien de particulier, mais comme chaque fois que je traînais dans ce genre de marché, je rêvais de découvrir le souvenir exceptionnel, la magnifique chemise typique ou la pièce d'artisanat local que nul autre que moi n'avait vue.
     Je m'étais arrêté a un petit stand ou j'avais remarqué un petit carnet protègé par une magnifique reluire en cuir, rien d'exceptionnel bien sûr, mais la chose avait attiré mon regard, elle me plaisait, elle était bon marché, je l'avais acheté et je la glissé dans la poche arrière de mon jeans et je continuais tranquillement ma promenade.
     Je n'y avais pas pensé, mais ce petit carnet relié de cuir ressemblait étrangement a un portefeuille, et le glissé dans ma poche arrière n'était pas une très bonne idée puisqu'il dépassait de quelques centimètres et que bien sûr il attira très vite l'attention d'un jeune pickpocket.
     Moins d'un quart d'heure plus tard alors que je j'examinais une pile de vieilles bandes dessinées américaines qui avait atterri là on ne sait comment, je senti le petit carnet glisser hors de ma poche. Ma réaction fut instantanée, je laissais tombée la poignée de magazines sur la table, ma main partit vers ma poche a la vitesse grande V, mon pick-pocket ne s'attendait pas a une réaction aussi vive, il n'eut pas le temps de réagir que déjà je cramponnais son poignet et que dans le même mouvement je me retournais. Il devait avoir peut être une douzaine d'années, maigrichon, basané, vêtu d'une vieille chemise et d'un pantalon sans forme, il tenait encore mon carnet dans sa main et me regardait avec frayeur et surprise. Je ne sais pas exactement ce que j'avais l'intention de faire, probablement récupérer mon bien et le laisser partir, mais je n'eu pas le loisir de penser a la chose. Cette fois, c'est moi qui n'eu pas le temps de réagir, le gamin se mit a hurler, non pas en Espagnol mais en une langue étrange que j'assumais être du Quechua. Tout autour de nous la rue s'arrêta, tout le monde, que ce soit les passants ou les petits commerçants derrière leur stand regardaient dans notre direction. Le gamin criait de plus en plus fort se débattant et essayant de me faire lâcher prise, j'assume qu'il appelait a l'aide et que probablement il devait m'accuser de l'avoir attaqué ou maltraité. Ou alors, les autres Indiens vivant et travaillant dans le quartier étaient ses complices et il les appelait a l'aide. Quoi qu'il en soit ils étaient bien sûr beaucoup plus nombreux que moi et j'étais sûr qu'ils se serreraient les coudes et feraient front contre l'étranger et que je n'avais absolument aucune chance. Là-bas déjà deux costauds commençaient a faire le tour de leur étal et a venir dans notre direction, je lâchais la main du gamin qui lui ne lâcha pas mon carnet, mais finalement cessa de crier. Cela n'arrêta pas les deux costauds, qui se rapprochaient rapidement, je ne pouvais pas m'enfuir la rue était trop encombrée de monde, une fois de plus j'étais au mauvais endroit au mauvais moment et je me dis que si j'avais a affronté les deux costauds je n’avais pas une chance. De plus toute la rue avait l'air de comprendre le Quechua et je ne voyais aucun regard amical, peut être que personne d’autre ne se mêlerait a la bagarre, mais j'étais sûr que je ne pouvais pas compter sur l’aide de qui que ce soit et que tout un chacun laisseraient les deux costauds me massacrer s’ils le désiraient.
     A ce moment une voix très forte retentit dominant le brouhaha de la rue
     "Hola amigos, que passa aqui"
     Déjà la voix abandonnait l'Espagnol et commença a parler très vite en Quechua, je perdis donc complètement le fil de la conversation, mais il était évident que la voix avait pris ma défense avec une solide autorité et dans la rue tout un chacun semblait l'écouter. Je me retournais et j'eux le plaisir de reconnaître l'auteur de la voix, il s'agissait de Félix, l'acheteur de la compagnie qui par chance traînait dans la rue avec deux de ses amis. Il me connaissait très bien et nous avions une excellente relation de travail. Très calmement il s'adressait a la foule en se dirigeant vers moi, trois secondes plus tard il était a ma droite et ses deux amis était a ma gauche. Le gamin avait complètement disparu en laissant tomber mon carnet sur le sol, les deux costauds s'était arrêté semblant dire que puisque j'avais lâché le gamin, la chose ne les intéressait plus. Je ramassais mon carnet et je les regardais a mon tour semblant dire que puisque j'avais retrouvé mon bien la chose ne m'intéressait plus. La plupart des passants avaient aussi perdu tout intérêt à la chose et lentement la rue reprenait vie comme avant.
     Félix et ses deux camarades m'accompagnèrent jusqu'a l'hôtel ou j'eu le plaisir de les entrainer vers le bar, loin de la foule et des Indiens Quechua  

                                                 Le garde du corps ...
     Je travaillais en Amérique du Sud durant plusieurs années dans des conditions d'insécurité très nette, puisqu’au Pérou la boite craignait encore une attaque du Sentier lumineux, bien affaibli bien sûr, mais pas encore totalement éliminé et en Équateur la proximité de la Colombie et des troupes de la Farc faisait de nous des proies idéales pour les chasseurs de rançon. Le fait que la France avait la réputation de ne pas payer de rançon quel que soit les circonstances et que donc la Farc s'en prendrait plus tôt a des Américains ne semblait pas être une garantit très sérieuse de notre sécurité
     De nombreuses fois j'avais travaillé et vécu sous protection militaire dans des camps ressemblant plus a des prisons que a des camps de travail et lorsque je quittais ce camp pour aller visiter une équipe, souvent c'était avec un garde du corps armé de mitraillette ou autre jouet offensif.
     Je voudrais ici, conter très rapidement la petite histoire d'un de ces gardes du corps dont j'ai depuis longtemps oublié le nom. Ce dont je me souviens très bien, c'est qu'il avait une mitraillette et qu'il semblait avoir accès à de très nombreux chargeurs. Notre camp était construit tout au long d'une rivière relativement importante, jouissant d'un courant assez violent, qui bien sûr charriait parfois des troncs, des branches ou toute autre sorte de débris flottant et le jeu favori de mon garde du corps était de décharger son arme sur ces objets flottant pour, disait ’il s'entraîner. La chose ne m'amusait pas du tout et je lui avais demandé a multiple reprise de cesser ce jeu de con, mais il est évident que ce n'est pas toujours facile de se faire obéir par un mercenaire, surtout quand c'est lui qui tient l'arme.
     Tout cela bien sûr dura jusqu'au jour où il tiraillait sur une cible près de la rivière, mais pas tout à fait vers la rivière, mais un peu vers le camp et il faillit me descendre ainsi qu'une demi-douzaine de mes hommes. Je parle très mal l'espagnol, mais ce jour-là je suis convaincu que je sus trouver les mots qui allaient bien, très bien même, sa mitraillette ne quitta plus jamais son épaule. et je remercie le ciel que personne ne vint nous attaquer, car sa mitraillette était tellement soudé a son épaule que je crois qu'il n'aurait pas osé la saisir même pour nous protéger 

                                          Puyo
     J’ai toujours dit que dans la vie il y a des jours de chance et je dois dire que ce jour-là, sans aucun doute j’ai eu de la chance, les Dieux étaient a mon côté et ont pris bien soin de moi.
     C'était en Équateur, la compagnie avait décroché un contrat pour une boite d'Argentine dans la région du Pastaza près de Puyo, pas un très gros contrat, mais un bon contrat qui allait nous occuper plusieurs mois. Une fois de plus mon copain Michel avait fait partie du premier groupe et nous avait construit un camp très correct au bord d’une piste pas trop fréquentée, mais bien pratique pour nous.
      J’avais été envoyé la en charge de la mécanique et des équipes de forage et je devais y retrouver nombre de mes anciens collègues locaux, bref un contrat qui se présentait très bien.
     Je fis le voyage de Quito vers Puyo, entièrement par la route et je garde de ce voyage, un merveilleux souvenir, nous traversions des zones montagneuses absolument fantastiques. Devant moi se succédaient des vieilles routes, des vieux ponts et de vieux villages datant des conquistadores espagnols, puis des gorges et des canyons magnifiques, des chutes d’eau vertigineuses, le tout recouvert de la luxuriante végétation de l’Amazone. Un peu partout nous croisions une multitude de touristes venus ici pour admirer ce paysage grandiose et je ne pouvais m’empêcher de penser que moi je profitais de ce même paysage gratuitement et en plus j'étais payé pour être la
     Tout voyage a bien sur une fin et très vite j’avais atteint le camp ou commençait le travail, les débuts furent plutôt difficiles, le camp n’était pas fini, les conditions de vie très rustique et les conditions de travail presque impossible, mais bien sur la pression venait d’en haut et il fallait commencer.
     Je ne rentrerais pas ici dans les détails, j’en ai déjà parlé avant, et ce contrat n'était somme toute qu'un autre contrat dans l'Amazone ou tout aurait dû bien marché si ce n'est qu'une fois de plus "nous allions entrer dans une réserve indienne ou nous n'étions pas les bienvenus"
     Donc ce jour-là, je m'étais rendu par hélicoptère sur une de mes équipes vraiment très très près de la zone contestée. J'avais demandé au pilote de me récupérer vers 16 heures, ce qui me laissait largement le temps de faire mon travail, de discuter avec mon personnel et d'être au camp de base bien avant la nuit, bref un programme somme toute bien banal.
     Tout ce passa très bien jusqu'a environ 15 heures, j'avais terminé ce que j'étais venu faire et je m'étais installé au camp avec une tasse café en attendant l'hélico qui ne devait bien sûr pas tarder. Je fus contacté par radio par le pilote, qui m'informa que le ciel se couvrait très rapidement, un orage qui promettait d'être très mauvais était en route vers nous, en fonction de quoi il avait décidé de quitter la zone en urgence et de rentrer vers le camp de base immédiatement. Il pouvait me récupérer au passage, mais c’était maintenant, pas dans un quart d’heure. Je lui répondis que j'étais près, deux ou trois minutes plus tard il était là, en quelques secondes j'étais a bord, il ne me laissa même pas le temps de boucler ma ceinture et nous étions en route pour atterrir au camp de base sous la pluie, juste avant que le ciel ne se bouche complètement.
     Je respirais avec soulagement, heureux de savoir que ce soir je dormirais dans une tente somme toute confortable au lieu des conditions extrêmes sur le camp de fortune de mon équipe, je ne me rendais pas encore compte jusqu'a quel point j'avais été chanceux.
     À peine atterrit je passais au bureau du radio qui se tenait en contact permanent avec nos équipes sur le terrain. Là, j'appris que le camp que je venais de quitter quelques 20 minutes plus tôt était attaqué par un groupe de villageois, qui prirent toute l'équipe en otage et qui nous informèrent qu'il ne relâcherait leurs otages que lorsque nos machines seraient hors de leurs territoires. A un quart d'heure près j'aurais été un de ces otages et j'aurais dut rester dans le village de Sarayaku pour une ou deux semaines. Les douze otages qui passèrent ces quinze jours prisonnier de Sarayaku ne furent bien sûr ni torturés ni brutalisé, mais néanmoins je remercie les Dieux d'avoir envoyé ce mauvais temps juste au bon moment, pour me prévenir qu’il était temps de partir.  

                                                  Wendel
    Bien sûr, je ne pourrais pas continuer ces récits sans m'arrêter une seconde pour saluer Wendel. Wendel était un pilote d'hélicoptère américain, il avait la réputation d'être tout simplement le meilleur et considérant que ce jugement venait de beaucoup d'autres pilotes nous pouvons penser que c'était vrai. Je dois dire que sans être un expert sur la chose, j'avais vu a maintes reprises Wendel accomplir quelques atterrissages ou décollages dans des conditions assez difficiles. De plus, il semblait avoir un instinct pour le temps, la pluie et les nuages n'étaient simplement jamais là où il était et il se serait cru déshonoré si pour une raison de mauvais temps il n'avait pas pu aller récupérer un passager qu'il avait promis de ramener au camp.
     Bien que américain et bien sûr chauvin comme tout américain sait être, il ne volait que sur hélicoptères français et avait juré ne jamais remettre les pieds dans un appareil made in USA, qui n'était d'après lui pas des hélicos mais des "engins" volant. Il était énorme, ce qui bien sûr chargé l'hélicoptère, mais il était fier de dire que son habileté lui permettait de compenser largement ce handicap. Il aimait faire la fête et s'enivrait très souvent, mais était toujours un des premiers debout dans le camp.
     Bien sûr, travailler avec des hélicoptères est un peu spécial et obligent tout un chacun a une multitude de règles de sécurité qui très souvent sont évidentes, mais que beaucoup de passagers ont tendance a oublier dans le feu de l‘action. Il est tout de même assez rare de voir un passager partir vers l'arrière de l'appareil et se prendre le rotor de queue dans la figure. Lors de nos opérations en forêt, une équipe construisait partout où la chose était nécessaire des "Helipads" bien aménagé qui permettaient de débarquer et d'embarquer sans danger. Mais bien, sur le propre de l'hélicoptère étant de pouvoir se poser partout, il nous arrivait bien souvent de nous faire déposer le plus près possible de la zone de travail même s’il n'y avait pas là un vrai helipad.
     Ce jour-là, j’avais demandé a Wendel de me déposer dans une petite clairière à flanc de colline, il se posa parfaitement, l'avant de l'hélicoptère face a la pente montante, la queue vers le coté le plus bas afin de s'assurer que le rotor de queue ne touche pas le sol ou quelques branches mal placées.
      Atterrir dans ces conditions est toujours un petit peu risqué puisque les pales de la grande hélice reste horizontales, ne sont donc pas parallèle au sol et donc du côté supérieur de la pente auront tendance a être beaucoup plus près du sol que normal. Il est donc évidemment nécessaire de faire très attention lorsque l'on sort de l'appareil et de partir dans la direction ou les pales seront largement assez hautes. Ceci bien sûr, est  une des premières règles de sécurité que tout le monde absolument tout le monde connait ... mais
     Au moment de descendre de l'hélico, j'aperçus a l'orée de la foret deux de mes hommes qui me faisait des grands signes. J'ignore encore a ce jour a quoi je pensais, mais sans réfléchir je partis vers eux, oubliant que je remontais la colline exactement dans la direction dangereuse ou les pales étaient près du sol et que j'allais passer sous les pales qui tournaient toujours au-dessus de ma tête. Je pense que j'aurais dû ce jour la me faire décapiter, mais Wendel était près, au moment où je sortais de l'appareil, il avait lui aussi vu les deux hommes qui me faisaient des grands signes et il avait deviné que je risquais de partir dans la mauvaise direction et lorsqu'il me vit partir il réagit instantanément et commença a redécollé. Le bruit du flap flap de l'hélice me ramena a la réalité, je me rendis compte immédiatement de la stupidité que j'étais en train de faire, je fis demi-tour et reparti dans la bonne direction loin de l'hélice 
     Merci Wendel, beaucoup diront que ma tête n'est pas très belle, mais je suis tout de même très content que tu m'ai aidé a la garder ce jour la            

                                         Maraicaibo.
     Maraicaibo, une des plus vieilles villes d'Amérique du Sud, qui fut si l'on en croit la légende fondait par les pirates des Caraïbes. Ils avaient découvert, il y a de ça près de cinq cents ans que le pétrole brut sortait naturellement du sol et ils utilisaient ledit pétrole pour calfater leurs bateaux.
     Les pionniers de la prospection pétrolière n'eurent évidemment pas trop de problèmes pour trouver et exploiter les premiers gisements de la région. De nos jours, les choses ont un peu changé et il nécessaire de faire un peu de recherche avant de creuser un puits et c'est cela qui amena la compagnie a travailler au Venezuela pour une très longue période durant les années quatre-vingt-dix.
     Je me trouvais donc dans une de ces équipes forage aux alentours de Maracaibo. Pas grand-chose a raconter, c'était somme toute une équipe assez banale et sans problème spécial à part bien sûr, une fois de plus la permanence dans notre équipe de plusieurs policiers armés jusqu'aux dents qui assuraient notre protection. Cette fois, non pas contre de potentiels terroristes ou révolutionnaires, mais simplement contre la pègre locale qui semble être en nombre incalculable dans la région, peut être les derniers descendants des pirates.
     Lors de mes premières sorties sur le terrain en compagnie du collègue que je venais remplacer, j'eu la surprise de rencontrer a de multiple reprise une vieille camionnette Ford noire. Le chauffeur, un jeune homme d'environs 25 ans avait une bonne tête, une attitude amicale et nous saluait de la main a chaque fois qu'il nous rencontrait. Bien sûr, je demandais à mon collègue qui il était
     " Oh, lui, tu as bien fait de m’en parler, j'allais oublier de le mentionner, il va falloir que je te le présente, c'est le représentant de la Mafia, il est là pour s'assurer que personne ne vient piquer nos bagnoles, t'’inquiètes pas tu peux te garer ou tu veux, laisse les clés dans la voiture si tu en as envie, avec lui dans le coin tu ne risques absolument rien"  
     " Attends, la mafia, tu déconnes ou quoi, et les flics qu'est-ce qu'ils font, on en a plein le camp, ils servent a quoi"
     "Les Flics c'est la protection du camp, ici sur le terrain ils ne sont pas trop respectés, alors par prudence on a pris une assurance avec les Compagneros, t'’inquiètes pas tu es bien protégé, la boite les payes très bien pour ça"
     Ce qui n'empêcha pas qu’une veille de Noël, alors qu’un de nos minibus revenait du restaurant ou toute l'équipe avait réveillonné, le minibus fût attaqué par une bande rivale armée, qui nous déroba absolument tout. Malgré de nombreux coups de feu tirés en l’air ou un peu au hasard, personne ne fut blessé. La police nous annonça qu’elle ne pouvait rien faire pour nous. L'homme a la camionnette noire et ses amis prirent les choses en main et avant même que le soleil ne se soit couché sur la journée du vingt-cinq, ils avaient récupères la totalité du butin, nous avait ramené le tout et prirent même la peine d'informer Jean Pierre que sa Rolex, achetée a Singapour était une fausse. L'histoire ne dit pas ce qui arriva aux voyous qui nous avait attaqués la veille au soir
     Cela fait tout de même plaisir de voir qu'il y a encore des mafiosos honnêtes et que l'argent de la compagnie n'avait pas été dépensé pour rien 

                                           Argentina
     En l'an 2000 la boite avait décroché un très gros contrat en Argentine, des tonnes de matériel furent envoyées pour la complétion de ce contrat qui ne se passa pas trop mal malgré un terrain extrêmement difficile. Le contrat se termina début 2001, tout le personnel bien sûr quitta le pays, la plupart du matériel fut réexporté, mais comptant sur un nouveau contrat la direction décida de laisser sur place 7 énormes vibrateurs dernier modèle d'une valeur de pres de 3 millions de dollars. Un immense hangar fut loué et nos machines, plus le stock de pièces de rechange furent entreposé le mieux possible.
     En 2001, la situation politique en Argentine qui était déjà mauvaise depuis de nombreuses années s'aggrava, le gouvernement était extrêmement instable, le chômage était partout, la situation financière catastrophique, le salaire des fonctionnaires et les retraites avaient été réduits, ce qui bien sûr causa une multitude de grèves à travers le pays. Le peso qui depuis des années avait été artificiellement soutenu a une valeur égale au dollar US était a la limite de s'écrouler, toute personne ayant un peu d'argent bien sûr voulait retirer cet argent et le changer en dollars avant le crash. Le gouvernement alla jusqu'a bloquer les comptes en banque afin d'éviter que la monnaie ne sorte du pays, bref le pays été a la limite de la révolution.
     Cette situation, qui ne semblait pas vouloir s'améliorer, inquiéta quelques gros bonnets de Paris qui commencèrent a s'affoler pour le matériel toujours stocker le bas.  Je fus donc désigné volontaire pour aller sortir nos 7 vibrateurs et le stock de pièces détachées. On me recommanda bien sûr de faire très attention, car la situation était un peu épineuse, mais surtout de ne pas m'inquiéter, car somme toute, tout n'était pas aussi  grave que l'on pouvait le penser, surtout pour les gens qui sont tranquillement dans leur bureau de Paris.
     Je débarquais en Argentine début décembre 2001, l'atmosphère dans le pays était des plus désagréables, la presque totalité des gens que je rencontrais était sans travail et offraient de faire n'importe quoi pour un peu d'argent. Des bruits couraient un peu partout que si la situation ne s'arrangeait pas rapidement le pays courait a la révolution. L'Argentin qui m'aidait a préparé le matériel a évacuer n'avait pas travaillé depuis des mois et tout en étant plein de bonne volonté aurait aimé que cela dure le plus longtemps possible.
     J'avais de l'argent plein les poches, tout en cash bien sûr, car il n'était pas question d'utiliser chèque ou carte de crédit. Notre représentant a Buenos Aires m'avait donné beaucoup plus que les fonds nécessaires afin d'être sûr que je puisse affronter n'importe quelle difficulté. Et s’il est bien agréable d'avoir de l'argent, je ne tenais pas du tout à ce que quiconque s'en aperçoivent, car je sais depuis longtemps de quoi sont capables les gens désespérés.
     Le plus rapidement possible nous démarrèrent nos machines et malgré quelques problèmes mécaniques nous chargèrent le tout rapidement sur une série de camions. Je commençais a respiré lorsque tout fut déchargé au port qui jouissait d'une protection militaire importante. Quelques jours plus tard les immenses grues du port chargeaient tout le matériel sur les bateaux, je partis immédiatement pour l'aéroport et quelques heures plus tard j'atterrissais a Caracas.
     Le surlendemain, le journal m'apprit qu'une mini révolution avait éclaté en Argentine. De nombreuses manifestations dans les rues de toutes les grandes villes et surtout a Buenos Aires, qui avait commençaient pacifiquement se changeaient en émeutes avec de sérieux affrontements entre manifestants et police qui firent de nombreux morts. Sans jamais vraiment escalader au niveau d'une vraie révolution, la situation d'insécurité dans le pays dura plusieurs mois, une fois de plus la chance avait été avec moi, j'étais parti juste a temps.  
     Début 2002 vit le crash du Peso dont le cours en l'espace de quelques mois passa de 1 peso pour 1 dollar a 4 pesos pour un dollar, l'inflation était énorme et ajouté au crash du peso réduisis a néant les économies d'une masse de petits épargnants.

                                      Le mensonge
     Vers le milieu de l’année 2010, j’approchais tout doucement de ma 65eme années, ayant commencé a travailler a 14 ans, je jouissais de puis quelques 2 ou 3 ans d’une retraite que je considérais comme bien méritée.
     Néanmoins, il m’arrivait encore parfois de recevoir de mon ancien employeur un coup de téléphone, et là, il m’expliquait que la boite venait de décrocher un petit contrat imprévu, qu’il était un peu a court de personnel et que donc, si j’étais intéressé il serait très heureux de me voir reprendre du service pour quelques semaines.
     Le salaire qu’il offrait était plus qu’intéressant, je choisissais plus ou moins les pays où j’allais partir, cela me permettait de rompre la monotonie de la vie et de revoir quelques vieux copains et donc j’avais accepté a plusieurs reprises de repartir malgré mon grand âge. C’est ainsi que j’avais passé quelques mois a Cuba, puis un séjour au Pérou ou j’avais retrouvé toute mon ancienne équipe, 2 ou 3 semaines en Ukraine et enfin en 2009, j’avais fait deux séjours de 8 semaines en Papouasie Nouvelle Guinée.
     Donc, vers le milieu de 2010, un de mes anciens chefs avait appelé, m’offrant une fois de plus un billet d’avion pour un chantier bien loin d’ici. Il avait pris la peine de bien m’expliquer qu’il s’agissait là d’un contrat un peu spécial, le travail serait extrêmement dur et demandant, la zone extrêmement isolé, les condition très rustique et enfin le coin était plutôt dangereux et nous devrions travailler sous protection militaire. A quoi, j’avais seulement répondu, que je ne voyais la pas grand-chose d’inhabituelle étant donné que les conditions qu’il venait de décrire était en somme les mêmes que celles qui avait mon lot durant mes nombreuses années en Amérique du Sud. La dessus, je lui avait donné mon accord, promis d’envoyer mon passeport le plus rapidement possible, j’avais raccroché et j’avais annonce a mon épouse que la boite avait encore besoin de moi et que je repartais chez les papous en fin de semaines (oubliant bien sûr de mentionner les conditions, l’isolement, le danger et la protection militaire).
     Puis j’avais annoncé la chose a mon frangin, écouté une fois de plus la blague sur les papa poux, le papa papous, les papas pas papous etc, j’avais préparé ma valise et 5 jours plus tard j’étais a la Gare en route vers Paris et les bureaux de la grande maison. Là, j’avais rencontré un des gros bonnet de la boite, qui m’avait répété une fois de plus que les conditions serait plutôt dures, qu’il faisait très chaud, que la zone était plutôt animée, mais que notre protection serait plus que suffisante etc et enfin un taxi m’avait déposé a l’aéroport General de Gaulle et de la, vol la galère … j’étais parti
     A mon arrivée a l’aéroport, j’avais été accueilli dès ma sortie de l’avion par un militaire en grand uniforme, porteur d’un badge qui devait être magique, car sur simple présentation de cette carte, je sortit directement de l’aéroport, sans même passer par le control de police et la douane, il m’informa que ma valise serait récupérée et livrée au camp et que nous devions partir immédiatement.
     Devant l’aéroport 3 Toyotas tous terrains nous attendaient, dans la première et la dernière 4 militaires en armes, il m’invita a m’installer sur la banquette arrière de la deuxième et s’installa a côté du chauffeur et quelques secondes plus tard nous étions en route, et je me dois d’avouer que j’étais vraiment impressionnés par son efficacité. Il se retourna afin de m’expliquer qu’il n’y avait aucun danger bien sûr et que toutes ces précautions n’étaient que conneries rêvés par la supervision, ce qui somme toute n’était pas mal puisque cela lui permettait de bien gagné sa vie, puis il se retourna et donna toute son attention a la route.
     Fatigué du voyage, je décidais de lui faire entièrement confiance, je me coincé dans un coin du siège et malgré les cahots multiples je piquais un très sérieux roupillon. Je me réveillais quelques heures plus tard lorsque la voiture s’arrêta a l’intérieur d’un camps pétrolier, fait de caravanes et de tentes comme j’en avais vu des douzaine dans ma vie. Mon guide me déposa devant la caravane du chef de mission, me salua poliment et s’éloigna tranquillement avec ses 3 Toyotas. Le chef me souhaita la bienvenue, me mit en contact avec un de ses sous-fifre, qui me fit visiter le camp, m’informa que ma valise était en route et serait bientôt la, me montra ma chambre, les douches, la popote et le garage, me présenta a deux ou 3 de mes futurs collègues et m’informa que le mécano local, en charge a l’heure actuelle, m’attendrait demain a 6 heures au garage pour me passer toutes les infos concernant mon futur boulot. Puis, lui aussi s’éloigna et me laissa me coucher et récupérer. A 5 heures du matin, j’étais debout, je pris mon petit déjeuner tranquillement, je rencontrais et fit connaissance d’une demi-douzaine de mes autres collègues et a 6 heures moins 5, j’étais devant nos ateliers ou m’attendait M…….., qui me salua immédiatement en anglais. Notre première conversation fut assez brève, nous avions une douzaine de vibrateurs sur cette très grosse mission, dont 3 en panne qu’il n’arrivait pas a réparer, donc nous devions partir immédiatement sur le terrain ou bien sûr, tout le monde comptait sur moi pour dépanner tout cela rapidement. Il me conduisit a sa camionnette, une Toyota aussi évidemment, me montra ou était la réserve d’eau et les casse-croutes et démarra le moteur. Aussitôt 4 soldats en grand uniforme et armés jusqu’aux dents apparurent de nulle part, ils montèrent a l’arrière de la camionnette et presque aussitôt nous étions en route. Le soleil se levait lentement a l’horizon, il faisait encore frais, je regardais le paysage défiler par la fenêtre et comme toujours dans ces moment-là, j’eu une pensée pour mon épouse et mes gamins.
     ‘’Si ma femme savait que j’étais là … EN IRAQ … dans un pays encore a moitié en guerre, au lieu d’être comme je lui avais dit, en Papouasie … je me demande ce qu’elle dirait, yep, et surtout ce qu’elle penserait … Je me demande ce qui la mettrait le plus en colère, que je lui ai menti ou bien que je sois assez con pour venir trainer dans ce pays de merde ’’     

                                  La malediction du Shaman

Encore une fois je m’étais laissé convaincre, juste un petit séjour de quelques semaines en Papouasie. Le temps de défricher un coin de forêt, d’organiser le matériel et de construire un camp de travail au milieu de la forêt et après retour à la maison avec quelques milliers de dollars de plus pour pouvoir me payer mes prochaines vacances. Apparemment un séjour de plus sans aucun problème, presque la  Dès mon arrivée le chef m’avait présenté à Willie Kibi. Willie Kibi était papou, né dans un village au fond de la forêt, il avait été remarqué très tôt pour son intelligence et son esprit rapide et avait été envoyé à l’école ou il avait appris les bonnes manières et un anglais parfait. Il parlait aussi une demi-douzaine des langages locaux, ce qui bien sûr en faisait un auxiliaire de première importance pour nous et il allait donc sur ce projet devenir mon interprète, mon assistant, mon "arrondisseur d’angle" avec la population locale, bref un poste clef pour la bonne marche de nos opérations.

     Tout avait commencé on ne peut plus normalement, j’étais resté à Port Moresby réceptionnant ou achetant tout le matériel qui serait nécessaire à la construction du dit camp. Willie Kibi était parti en avant pour régler avec une tribu locale les détails de la location d’un terrain pour l’installation du camp, les nouvelles qu’il nous avait  envoyées étaient on ne peut plus positives et le projet avançait sans accrocs.

     Deux semaines plus tard, je le rejoignis en forêt, le terrain était très correct, à proximité d’un gros court d’eau permettant l’accès par bateau et ferait parfaitement notre affaire. Il m’assura que tout était réglé avec les chefs de tribu et je me concentrais donc immédiatement sur la construction de mon camp qui semblait démarrait très bien. Je ne connaissais pas mon personnel et je m’efforçais comme toujours, de repérer dès le début, ces quelques personnes de confiance, ces meneurs naturels, à qui l’on peut confier des responsabilités qui font que tout ira mieux.

     Je remarquais très vite un jeune homme qui semblait toujours être la lorsque j’avais besoin de quelque chose. Il répondait au nom de Yonny, il parlait un anglais à peine correct, mais semblait capable d’apprendre vite. Je m’adressais très souvent à lui plutôt que de passer par Willie Kibi qui lui était toujours absent lorsque j’avais besoin d’un interprète. Bref, tout allait très bien, si ce n’est la présence des quatre ou cinq anciens du village proche, qui semblaient en permanence traîner sur le chantier. J’avais bien sûr demandé à Willie qui ils étaient et Willie m’avait assuré qu’ils étaient simplement quelques vieux n’ayant rien d’autre à faire et venant sur le chantier pour s’occuper. J’avais accepté l’explication, mais cela me préoccupait tout de même un peu et je décidais d’en parler à Yonni, juste pour avoir une autre opinion sur la chose.
     L’explication de Yonni était un peu différente de l’explication de Willie, Yonni m’affirma que en fait, les anciens ne venaient pas sur notre camp parce qu’ils étaient désœuvrés, mais parce qu’ils exprimaient de cette manière leur opposition à l’installation du dit camp. Qu’ils espéraient ainsi, ramenaient à leur manière de penser une partie de la population du village et faire cesser la construction que nous avions entreprise. En effet, d’après eux, ce terrain sur lequel allait s’élever le camp était sacré et nos installations allaient causer des problèmes pour la tribu sur laquelle se vengeraient les esprits dérangés par nos travaux. D’après eux, les jeunes chefs dirigeant la tribu s’étaient laissé prendre au baratin de l’homme blanc et aux promesses financières de Willie Kibi, mais eux les anciens étaient prêts à faire tout en leur pouvoir pour bloquer notre construction et protéger les esprits.


    Je demandais a Willie Kibi de me donner des précisions sur ce problème, il m’affirma une fois de plus que tout était sous contrôle, qu’il n’y avait aucun problème, que toute la population était d’accord avec notre projet et très heureuse de recevoir le prix de la location, etc . Il s’engagea immédiatement à régler ce détail avec les dirigeants du village. En effet, à partir de ce moment-là je ne vis plus les anciens, j’ignorais totalement quelle était la situation réelle, je n’avais aucune manière de communiquer avec le village et j’étais obligé de faire confiance à Willie. En outre nos constructions étaient déjà bien trop avancées pour faire marche arrière, je ne pouvais donc que continuer mon travail, mais dans un coin de mon esprit quelque chose me disait que tout n’était pas parfait dans le meilleur des mondes.

     L’alimentation en eau du camp venait d’une source éloignée d’environ un Kilomètre. Nous avions construit un réservoir à proximité de la source, nous avions installé un Kilomètre de PVC et apparemment le système semblait donner entière satisfaction. Toutefois, je décidais de vérifier une fois de plus que tout était en ordre et par un bel après-midi je demandais a Yonni de m’accompagner et ensemble nous partîmes vérifier ce kilomètre de tuyaux et c’est ainsi que je m’enfonçais dans la forêt pour une marche aller-retour d’environ 1 heure. Ma petite ballade d’exploration terminée je repris le chemin du camp, Yonni suggéra un raccourci, je lui fis entièrement confiance et je le suivis sans me douter que son raccourci allait nous emmener dans une petite clairière à proximité du village ou une fois de plus je tombais sur les cinq anciens.

   Quatre d’entre eux étaient accroupis en rond autour d’un petit feu, concentrés, comme hypnotisés ou en transe. La clairière était totalement silencieuse, le cinquième, le plus ancien ou tout au moins celui qui paraissait le plus vieux était debout sur une jambe comme une cigogne maigre, s’appuyant sur un long bâton. A leur vue Yonni s’arrêta pile et d’un geste de la main m’intima d’en faire autant, puis il commença à se retourner et à me pousser loin de cette clairière en murmurant " Ils sont en contact avec les esprits, il nous faut partir vite, très vite"

     L’ancien, debout près du feu, ne parut pas surpris, au contraire il semblait nous attendre et il nous fit signe d’avancer, il baragouinait je ne sais quoi dans son langage et Yonni était trop effaré pour penser à traduire. Je n’avais bien sûr aucune idée de ce qu’il disait, mais il était facile de voir qu’il était en colère et que sa colère était dirigée contre moi et non contre Yonni. Il pointait le doigt dans ma direction, répétant sans cesse une phrase qui bien sûr ne voulait rien dire pour moi. Finalement, il plongea la main dans un petit sac à sa ceinture, en sortit un objet pointu qu’il pointa dans ma direction en psalmodiant un mambo jumbo incompréhensible. Les quatre autres anciens étaient toujours accroupis auprès du petit feu, immobiles comme des statues, concentrés et les yeux rivés sur les braises. Yonni s’était mis a tremblé, pétrifié, terrifié par l’ancien, finalement je le secouai, je l’attrapai par le bras, je l’obligeai à faire demi-tour et je l’entraînai loin de la clairière. Il me suivit pour plusieurs minutes avant de redevenir lui-même, puis il passa devant moi et me montra le chemin vers le camp en refusant de m’adresser la parole.
     Ce n’est que le lendemain que je réussis à le faire parler et à obtenir qu’il m’explique ce qui s’était passé dans cette petite clairière. A contrecœur, il mapprit que les anciens nous avaient attirés par magie vers la clairière en mettant dans sa tête l’idée de prendre ce raccourci qui nous avait amené près d’eux ou le vieux Shaman m’attendait. Car s’était moi qu’il attendait, car s’était contre moi qu’il en avait, contre moi le chef des constructeurs du camp et il avait pointé vers moi cet objet pointu et m’avait jeté un sort de "mort lente".


     Je dois dire que le sort jeté contre moi ne m’inquiéta pas trop, j’étais en Papouasie depuis près de deux mois, je désirais rentrer en France en vacance, et pour tout dire j’étais un peu fatigué des anciens et de leurs esprits. Je décidai donc d’oublier la chose et quelques jours plus tard, le camp étant pratiquement fini, je souhaitais la bienvenue mon remplaçant, je quittais la zone et je rentrai au pays.



   J’aurais bien sûr voulu complètement oublier cet après-midi-là, mais pour une raison que j’ignore, je revois sans arrêt ce vieux Shaman gesticulant et pointant vers moi cette stupide amulette en criant ses malédictions. Il m’arrive même d’en rêver la nuit et de me réveiller en sursaut et en sueur. Je me retourne une multitude de fois, mais je n’arrive pas à me rendormir et je me lève au petit matin déprimé et fatigué avec un mauvais goût dans la bouche et des idées bizarres dans la tête.

    Je refuse de croire à la stupidité d’un sort jeté contre moi et a la possibilité que ce sort puisse fonctionner et actuellement occasionner ma mort lente ou rapide. Je sais sans le moindre doute que toutes les gesticulations du monde et tous les mambos jumbos ne peuvent amener contre moi des esprits qui n’existent pas et qui somme toute n’ont aucune raison de me haïr et de me faire mourir lentement …. et pourtant … pourtant malgré mes efforts je n’arrive pas à effacer le souvenir de cet après-midi.

     Quelque part, là-bas, loin, au fond de moi, au fond de mon subconscient une question semble revenir inlassablement, "et si c’était possible, et si le vieux Shaman avait vraiment des pouvoirs inconnus du reste du monde". Après tout, nous parlons là d’une des plus anciennes civilisations du monde et chaque jour les scientifiques semblent découvrir des choses étranges, qui hier encore semblaient inconnues et impossibles    

    Sans cesse, sans savoir pourquoi, sans le vouloir, je revois ces quelques minutes de ma vie. Je revois ce vieux Shaman debout sur une jambe dans un équilibre précaire. Je me sens sans force, vidé, fatigué, mes jambes sont lourdes, je n’ai plus de volonté, je n’ai plus envie de rien, la vie ne semble plus avoir aucun intérêt. Pourquoi continuer, alors qu’il serait si facile de …. Est-ce simplement la vieillesse qui arrive sournoisement, est-ce simplement une fatigue passagère et normale dut aux années de bourlingue, ou bien ?

    J’ai beau me secouer, ce doute, ce doute est encore là, ce doute qui lamine la volonté, ce doute qui semble m’entraîner vers je ne sais ou, vers le bout de la route , inexorablement je sens ma volonté s’affaiblir, je ne contrôle plus cette peur au ventre, je ne sais plus rire et chanter, je ne sais plus rêver, je n’ai même plus envie de boire ou de m’alimenter, et si c’était vraiment la fin, le bout de la piste. Le vieux Shaman n’a pas pu stopper la construction du camp, mais a t’il tout de même gagner sa dernière bagarre, a-t-il réussi à foutre en l’air les dernières années de ma vie ? 



     Et ou diable étaient donc les Dieux qui me protègent depuis toujours       

 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire